Latest Entries »

 - Wikipedia OrangeH+, un symbole du transhumanisme

« Le transhumanisme est une classe de philosophies ayant pour but de nous guider vers une condition posthumaine. Le transhumanisme partage de nombreuses valeurs avec l’humanisme parmi lesquelles un respect de la raison et de la science, un attachement au progrès et une grande considération pour l’existence humaine (ou transhumaine) dans cette vie. […] Le transhumanisme diffère de l’humanisme en ce qu’il reconnaît et anticipe les changements radicaux de la nature et des possibilités de nos vies provoqués par diverses sciences et techniques […]. »

Le transhumanisme est un mouvement culturel et intellectuel international prônant l’usage dessciences et des techniques afin d’améliorer les caractéristiques physiques et mentales desêtres humains. Le transhumanisme considère certains aspects de la condition humaine tels que le handicap, la souffrance, la maladie, le vieillissement ou la mort subie comme inutiles et indésirables. Dans cette optique, les penseurs transhumanistes comptent sur lesbiotechnologies et sur d’autres techniques émergentes. Les dangers comme les avantages que présentent de telles évolutions préoccupent aussi le mouvement transhumaniste1.

Le terme « transhumanisme » est symbolisé par « H+ » (anciennement « >H »2) et est souvent employé comme synonyme d’« amélioration humaine ». Bien que le premier usage connu du mot « transhumanisme » remonte à 1957, son sens actuel trouve son origine dans les années 1980, lorsque certains futurologues américains ont commencé à structurer ce qui est devenu le mouvement transhumaniste. Les penseurs transhumanistes prédisent que les être humains pourraient être capables de se transformer en êtres dotés de capacités telles qu’ils mériteraient l’étiquette de « posthumains »1. Ainsi, le transhumanisme est parfois considéré comme un posthumanisme ou encore comme une forme d’activisme caractérisé par une grande volonté de changement et influencé par les idéaux posthumanistes3.

La perspective transhumaniste d’une humanité transformée a suscité de nombreuses réactions, tant positives que négatives, émanant d’horizons de pensée très divers. Francis Fukuyama a ainsi déclaré, à propos du transhumanisme, qu’il s’agit de l’idée la plus dangereuse du monde4, ce à quoi un de ses promoteurs, Ronald Bailey, répond que c’est, au contraire, le « mouvement qui incarne les aspirations les plus audacieuses, courageuses, imaginatives et idéalistes de l’humanité »5.

Histoire

Selon les philosophes ayant étudié l’histoire du transhumanisme1, son transcendantalisme s’inscrit dans un courant de pensée remontant à l’Antiquité : la quête d’immortalité de l’Épopée de Gilgamesh ou les quêtes de la fontaine de Jouvence et de l’élixir de longue vie, au même titre que tous les efforts ayant visé à empêcher le vieillissement et la mort, en sont l’expression. La philosophie transhumaniste trouve cependant ses racines dans l’humanisme de la Renaissance et dans la philosophie des LumièresPic de la Mirandole appelle ainsi l’homme à « sculpter sa propre statue »6. Plus tard, Condorcet spécule quant à l’application possible des sciences médicales à l’extension infinie de la durée de vie humaine. Des réflexions du même ordre se retrouvent chez Benjamin Franklin, qui rêve de pouvoir interrompre et relancer le cours de la vie en temps voulu. Enfin, d’après Charles Darwin, « il devint très probable que l’humanité telle que nous la connaissons n’en soit pas au stade final de son évolution mais plutôt à une phase de commencement »1. Il faut en revanche mettre à part la pensée de Nietzsche qui, s’il forge la notion de « surhomme », n’envisage absolument pas la possibilité d’une transformation technologique de l’Homme mais plutôt celle d’un épanouissement personnel1,7,8.

Nikolai Fyodorov, un philosophe russe du xixe siècle, soutenait l’idée d’un usage de la science à des fins d’extension radicale de la durée de vie, d’immortalité ou de résurrection des morts9. Au xxe siècle, le généticien J.B.S. Haldane, auteur de l’essai intitulé Daedalus: Science and the Future paru en 1923, est un pionnier influent de la pensée transhumaniste. En ligne directe avec le transhumanisme moderne, il annonce les considérables apports de la génétique et d’autres avancées de la science aux progrès de la biologie humaine et prévoit que ces avancées seront accueillies comme autant de blasphèmes et de perversions « indécentes et contre-nature ». J. D. Bernal spécule quant à la colonisation de l’espace, aux implants bioniques et aux améliorations cognitives qui sont des thèmes transhumanistes classiques depuis lors1. Le biologiste Julian Huxley, frère d’Aldous Huxley (un ami d’enfance de Haldane), semble être le premier à avoir utilisé le mot « transhumanisme ». En 1957, il définit le transhumain comme un « homme qui reste un homme, mais se transcende lui même en déployant de nouveaux possibles de et pour sa nature humaine »10. Cette définition diffère quelque peu de celle généralement acceptée depuis les années 1980.

Au début des années 1960, la question des relations entre les intelligences humaines et artificielles, qui est une des thématiques centrales du transhumanisme, est abordée par l’informaticien Marvin Minsky11. Dans les décennies qui suivent, ce domaine de recherches continue de voir apparaître d’influents penseurs, comme Hans Moravec ou Raymond Kurzweil, tantôt officiant dans des travaux d’ordre technique, tantôt spéculant sur l’avenir technologique, à la manière du transhumanisme12,13. L’émergence d’un mouvement transhumaniste clairement identifiable commence dans les dernières décennies du xxe siècle. En 1966, FM-2030 (anciennement F.M. Esfandiary), unfuturologue qui enseigne les « nouveaux concepts de l’Homme »14 à la New School de New York, commence à qualifier les personnes qui adoptent des techniques, des styles de vie et des conceptions du monde signalant une transition vers la posthumanité de transhumains (mot-valise formé à partir de « humain transitoire »)15. En 1972, Robert Ettinger contribue à la conceptualisation du transhumanisme dans son livre Man into Superman16. En 1973, FM-2030 publie le Upwingers Manifesto pour stimuler l’activisme transhumaniste17.

Les premiers transhumanistes se reconnaissant comme tels se rencontrent au début des années 1980 à l’Université de Californie à Los Angeles, qui devient le centre principal de la pensée transhumaniste. À cette occasion, FM-2030 tient une conférence sur son idéologie futuriste de la « Troisième Voie » (Third Way). Dans les locaux de EZTV, alors couramment fréquentés par les transhumanistes et futurologues, Natasha Vita-More présente un film expérimentalBreaking Away, daté de 1980, sur le thème d’humains rompant avec leurs limites biologiques et avec la gravité terrestre, s’en allant dans l’espace18,19. FM-2030 et Vita-More commencent rapidement à organiser d’autres réunions transhumanistes à Los Angeles, rassemblant notamment les étudiants de FM-2030 d’une part et le public de Vita-More d’autre part. En 1982, Vita-More rédige le Transhumanist Arts Statement20 (Traité d’Arts Transhumanistes), et, six ans après, produit une émission de télévision sur la transhumanité, TransCentury Update, suivie par plus de 100 000 téléspectateurs.

En 1986, Eric Drexler publie Engines of Creation: The Coming Era of Nanotechnology21 (deux sens possibles : Les rouages de la création : l’ère nouvelle de la nanotechnologie ou Engins de création : …), qui analyse les perspectives liées aux nanotechnologies et auxassembleurs moléculaires, et fonde l’Institut Foresight. Les bureaux de Californie du sud de l’Alcor Life Extension Foundation, la premièreorganisation à but non lucratif effectuant des recherches sur la cryonie, œuvrant pour sa promotion et la mettant en œuvre, devinrent également un lieu de regroupement privilégié des futuristes. En 1988, le premier numéro d’Extropy Magazine fut publié par Max More et Tom Morrow. En 1990, More créa sa propre doctrine transhumaniste qu’il exprima sous la forme des Principles of Extropy (« Principes de l’Extropie »)22, et jeta les bases du transhumanisme moderne en lui donnant une nouvelle définition23 :

« Le transhumanisme est une classe de philosophies ayant pour but de nous guider vers une condition posthumaine. Le transhumanisme partage de nombreuses valeurs avec l’humanisme parmi lesquelles un respect de la raison et de la science, un attachement au progrès et une grande considération pour l’existence humaine (ou transhumaine) dans cette vie. […] Le transhumanisme diffère de l’humanisme en ce qu’il reconnaît et anticipe les changements radicaux de la nature et des possibilités de nos vies provoqués par diverses sciences et techniques […]. »

En 1992, More et Morrow fondent l’Extropy Institute qui a pour but de densifier le réseau social futuriste et de promouvoir une réflexion collective sur les courants idéologiques émergents et les nouveaux comportements en organisant une série de conférences et, surtout, en rédigeant un carnet d’adresses : en conséquence, la pensée transhumaniste se voit diffusée pour la première fois, pendant la période d’essor de la cyberculture et de la contreculture cyberdélique. En 1998, les philosophes Nick Bostrom et David Pearce fondent la World Transhumanist Association (WTA, Association Transhumaniste Mondiale), une organisation non-gouvernementale d’échelle internationale œuvrant afin que le transhumanisme soit reconnu comme digne d’intérêt par le milieu scientifique comme par les pouvoirs publics24. En 2002, la WTA modifie et adopte la Déclaration Transhumaniste (The Transhumanist Declaration)25. La FAQ Transhumaniste, conçue par la WTA, donne deux définitions formelles du transhumanisme26 :

«

  1. Le mouvement culturel et intellectuel qui affirme qu’il est possible et désirable d’améliorer fondamentalement la condition humaine par l’usage de la raison, en particulier en développant et diffusant largement les techniques visant à éliminer le vieillissement et à améliorer de manière significative les capacités intellectuelles, physiques et psychologies de l’être humain.
  2. L’étude des répercussions, des promesses et des dangers potentiels de techniques qui nous permettront de surpasser des contraintes inhérentes à la nature humaine ainsi que l’étude des problèmes éthiques que soulèvent l’élaboration et l’usage de telles techniques. »

Anders Sandberg, un universitaire et éminent transhumaniste, a recueilli d’autres définitions similaires27.

Les représentants de la WTA considéraient que les forces sociales constituaient un frein potentiel à leurs projets futuristes et qu’il fallait, par conséquent, statuer sur la position à adopter face à elles, mais toutes les organisations transhumanistes ne partageaient pas ce point de vue28. En particulier, un problème posé était celui de l’accès équitable des individus de classes sociales et de nationalités différentes aux techniques d’amélioration humaine29. En 2006, après une lutte politique dans les rangs du mouvement transhumaniste entre la droitelibertarienne et la gauche libérale, la WTA, sous l’égide de son ancien directeur James Hughes, a adopté une posture plus proche ducentre-gauche30,29. Toujours en 2006, le conseil d’administration de l’Extropy Institute mit un terme à ses activités, déclarant que sa mission était « remplie, dans l’essentiel » (« essentially completed »)31. La WTA a donc pris la place de principale organisation transhumaniste dans le monde. En 2008, afin de changer son image, la WTA adopta le nom de « Humanity+ » afin de donner une image de plus grandes valeurs humaine32. Humanity Plus publie H+ Magazine, un périodique publié par R. U. Sirius et qui présente des actualités et des idées du transhumanisme33,34.

Théorie

La question de la vision du transhumanisme comme une branche du posthumanisme et celle de la conceptualisation du posthumanisme relativement au transhumanisme font débat. Les critiques du transhumanisme, conservateurs4chrétiens35 ou progressistes36,37, le perçoivent souvent comme une variante ou une forme plus activiste du posthumanisme, mais des érudits pro-transhumanisme le qualifient aussi de branche de la « philosophie posthumaniste », par exemple3. Une propriété commune au transhumanisme et au posthumanisme philosophique est la vision future de nouvelles espèces intelligentes, évolutions de l’humanité, qui la complèteront ou la supplanteront. Le transhumanisme met l’accent sur l’aspect évolutionniste du phénomène, envisageant la création d’un animal doté d’une très grande intelligence grâce à l’amélioration cognitive (c’est-à-dire grâce à la provolution)28, mais se raccroche à un « futur posthumain », finalité d’une évolution artificiellement perpétrée38.

Cependant, l’idée de créer des êtres intelligents artificiels proposée, par exemple, par le roboticien Hans Moravec, a influencé le transhumanisme12. Mais les idées de Moravec et le transhumanisme se sont aussi vus dépeints comme une variante « complaisante » ou « apocalyptique » du posthumanisme et ainsi distingués du « posthumanisme culturel » dans les lettres et les arts39. Un tel « posthumanisme critique » fournirait matière à repenser les relations entre humains et machines de plus en plus sophistiquées alors que, dans cette perspective, le transhumanisme et les posthumanismes similaires n’abandonnent pas les concepts désuets de l’« individu libre et autonome » mais étendent ses prérogatives au domaine du posthumain40. C’est dans ce cadre de pensée que le transhumanisme se décrit parfois lui-même comme une continuation de l’humanisme et de l’esprit des Lumières.  self-characterisations  ⇔  merci d’apporter votre expertise, et de préciser

Certains humanistes laïques voient dans le transhumanisme la progéniture du mouvement de libre-pensée. Ils soutiennent que les transhumanistes se distinguent des humanistes traditionnels en ce qu’ils se concentrent tout particulièrement sur les apports de la technique aux problèmes humains et au problème de la mort41. Cependant, d’autres progressistes affirment que le posthumanisme, philosophique comme activiste, se détourne des préoccupations de justice sociale, de réforme des institutions humaines et d’autres centres d’intérêt des Lumières et incarne en fait un désir narcissique de transcendance du corps humain, en quête d’une manière d’être plus intense, plus vive, plus exquise42. De ce point de vue, le transhumanisme abandonne les visées de l’humanisme, de la philosophie des Lumières et des politiques progressistes.

Buts

Bien que de nombreux[Qui ?] théoriciens et partisans du transhumanisme cherchent à exploiter la raison, la science et la technologie afin de contrer la pauvreté, la maladie, le handicap et l’insuffisance alimentaire dans le monde, le transhumanisme, lui, se distingue par l’intérêt particulier qu’il porte à l’application des techniques à l’amélioration du corps humain à l’échelle individuelle. Beaucoup de transhumanistes contribuent activement à l’estimation des apports possibles des techniques futures et des systèmes sociaux innovants à la qualité du vivanten général, tout en recherchant la réalisation pratique, par l’élimination des barrières congénitales du physique et du mental, de l’idéal d’égalité aux sens légal et politique.

Les philosophes transhumanistes soutiennent non seulement qu’il existe un impératif éthique de perfectionnisme, impliquant que les humains s’efforcent au progrès et à l’amélioration de leur condition, mais aussi qu’il est possible et souhaitable que l’humanité entre dans une ère transhumaine, où les humains auront le contrôle de leur évolution. Dans une telle ère, l’évolution naturelle serait remplacée par une transformation délibérée.

Certains théoriciens, comme Raymond Kurzweil, considèrent que le rythme du changement technologique est en train de s’accélérer et que les cinquante prochaines années verront apparaître non seulement des avancées technologiques radicales, mais aussi une singularité technologique, un point d’inflexion qui changera la nature même de l’homme43. La plupart des transhumanistes considèrent cette rupture comme désirable, mais mettent en garde contre les dangers inhérents à une accélération brutale du progrès technologique. Ainsi, ils jugent nécessaire la responsabilisation de tous les acteurs de ce progrès pour éviter toute dérive grave. Par exemple, Bostrom a abondamment écrit sur le risque existentiel lié à la préservation de la santé future de l’humanité, y compris sur les risques qui pourraient découler de l’émergence des nouvelles techniques44.

Éthique

Les transhumanistes s’engagent dans des approches interdisciplinaires pour comprendre et évaluer les possibilités de dépasser les limitations biologiques. Ils s’appuient sur la futurologie dont les divers domaines de l’éthique tels que la bioéthique, l’infoéthique, lananoéthique, la neuroéthique, la roboéthique, et la technoéthique proviennent principalement mais pas exclusivement d’une philosophieutilitariste, et d’une perspective libérale du progrès social, politique et économique. Contrairement à beaucoup de philosophes, critiques sociaux, et activistes qui placent une valeur morale sur la préservation des systèmes naturels, les transhumanistes voient au mieux le concept spécifique de ce qui est « naturel » comme problématiquement nébuleux, et au pire comme un obstacle au progrès45. En relation avec cela, beaucoup des principaux défenseurs du transhumanisme jugent les critiques de ce dernier provenant de la droite et de la gauche politique, comme « bioconservateurs », ou « néo-luddistes », ce dernier terme faisant allusion au mouvement social du xixe siècle de l’anti-industrialisation, opposé au remplacement des travailleurs humains par des machines46.

Courants de pensées

Il y a une variété d’opinions au sein de la pensée transhumaniste. Beaucoup des principaux penseurs transhumanistes ont des vues qui sont constamment révisées et en développement47. Quelques courants distinctifs du transhumanisme sont identifiés et listés ici dans l’ordre alphabétique :

  1. L’abolitionnisme (impératif hédoniste) (en)48
  2. Le transhumanisme démocratique, synthèse de la social-démocratie et du transhumanisme49.
  3. L’extropianisme
  4. L’immortalisme fonsé sur l’idée que l’immortalité est technologiquement possible et désirable50.
  5. Le postsexualisme (en)
  6. Le singularitarianisme fondé sur l’idée qu’une singularité technologique est possible et souhaitable43.
  7. Le technogaïanisme (en), une démarche écologique fondée sur l’idée que le progrès technologique peut permettre de restaurer l’écosystème notamment par le biais des technologies alternatives49.
  8. Le transhumanisme libertarien (en)

Spiritualité

Bien que quelques transhumanistes disent adhérer à une idéologie spirituelle laïque, ils sont pour la plupart athées24. Une minorité de transhumanistes, cependant, suivent des formes libérales de traditions de la philosophie orientale comme le bouddhisme et le yoga51 ou ont fait fusionner leurs idées transhumanistes avec des religions occidentales établies telles que le christianisme libéral52 ou lemormonisme53. En dépit de l’attitude séculaire qui prévaut, quelques transhumanistes entretiennent des espoirs traditionnellement épousés par les religions, comme l’immortalité,50 pendant que de nouveaux mouvements religieux controversés, nés vers la fin duxxe siècle, ont explicitement embrassé les buts transhumanistes de transformation de la condition humaine, en appliquant la technique d’altération du corps et de l’esprit, tel que le mouvement raëlien54. Cependant, la plupart des penseurs associés au mouvement transhumaniste se focalisent sur les buts pratiques de l’utilisation de la technologie pour allonger la durée de la vie et améliorer la santé, tout en spéculant sur le fait que la compréhension future de la neurothéologie et de l’application de la neurotechnologie permettraient aux humains de gagner un plus grand contrôle sur les états modifiés de conscience, qui sont communément interprétés comme des « expériences spirituelles« , et permettraient ainsi d’accéder à une connaissance de soi plus profonde51.

La majorité des transhumanistes sont des matérialistes qui ne croient pas en une âme humaine transcendante. La théorie de lapersonnalité transhumaniste est également contre l’identification unique des acteurs moraux et des sujets avec les humains biologiques, jugeant comme spéciste l’exclusion des non-humains, des para-humains et des machines sophistiquées, d’un point de vue éthique55. Beaucoup croient en la compatibilité entre les esprits humains et le matériel informatique, avec l’implication théorique que la consciencehumaine serait un jour transférée dans des médias alternatifs, une technique spéculative communément connue comme « téléchargement de l’esprit« 56. Une formulation extrême de cette idée peut-être trouvée dans la proposition de Frank Tipler du point Omega. En s’inspirant d’idées du digitalisme, Tipler a avancé l’idée que l’effondrement de l’Univers dans des milliards d’années pourrait créer les conditions pour la perpétuation de l’humanité dans une réalité simulée à l’intérieur d’un mégaordinateur, et achèverait ainsi la forme du « Dieu post-humain« . Bien que n’étant pas un transhumaniste, la pensée de Tipler a été inspirée par les écrits de Pierre Teilhard de Chardin, un paléontologue etthéologien jésuite qui a vu une cause finale évoluant dans le développement d’une noosphère, une conscience globale57.

L’idée de télécharger une personnalité dans un substrat non-biologique et ses hypothèses sous-jacentes sont critiquées par un large panel d’universitaires, scientifiques et activistes, quelques fois à l’égard du transhumanisme lui-même, quelques fois à l’égard de penseurs tels que Marvin Minsky ou Hans Moravec qui sont souvent vus comme ses initiateurs. Relativement aux hypothèses sous-jacentes, comme par exemple l’héritage de la cybernétique, certains ont fait valoir que cet espoir matérialiste engendre un monisme spirituel, une variante de l’idéalisme philosophique58. Vu d’une perspective conservatrice chrétienne, l’idée de télécharger l’esprit est affirmée comme représentant un dénigrement du corps humain caractéristique de la croyance gnostique59. Le transhumanisme et ses progéniteurs intellectuels présumés ont aussi été décrits comme « néo-gnostiques » par les commentateurs non-chrétiens et séculaires60,61.

Le premier dialogue entre le transhumanisme et la foi était l’objectif d’un séminaire académique ayant eu lieu à l’Université de Toronto en 200462. Parce que cela pourrait servir quelques-unes des mêmes fonctions que les gens ont traditionnellement vues dans la religion, les religieux et critiques séculaires ont maintenu que le transhumanisme était lui-même une religion ou, au minimum, une pseudoreligion. Les critiques religieuses à elles seules ont pris en défaut la philosophie du transhumanisme comme n’offrant aucune vérité éternelle ni une relation avec le divin. Elles ont argumenté qu’une philosophie dépossédée de ces croyances laisse l’humanité à la dérive dans une mer brumeuse du cynisme postmoderne et de l’anomie. Les transhumanistes ont répondu que de telles critiques reflètent un échec du regard sur le contenu actuel de la philosophie transhumaniste, qui loin d’être cynique, est enraciné dans des attitudes optimistes, idéalistes, qui nous ramènent aux Lumières63. Suivant ce dialogue, William Sims Bainbridge a conduit une étude pilote, publiée dans le journal de l’évolution et de la technologie, suggérant que les attitudes religieuses sont négativement corrélées avec l’acceptation des idées transhumanistes, et indiquant que les individus avec des visions du monde très religieuses tendent à percevoir le transhumanisme comme étant un affront direct, compétitif (bien que ultimement futile), de leurs croyances spirituelles64.

Depuis 2009, l’American Academy of Religion organisme un atelier « Transhumanisme et Religion » lors de son meeting annuel durant lequel des universitaires de l’étude des religions cherchent à identifier et évaluer de manière critique toute croyance religieuse implicite sous-tendant les assertions et postulats transhumanistes, en plus d’évaluer comment le transhumanisme défie les traditions religieuses de développer leurs propres idées du futur de l’humanité, en particulier la perspective de la transformation humaine, par la technologie ou par tout autre moyen, et enfin cherche à fournir une évaluation critique et constructive d’une vision du futur qui donne une place importante aux nanotechnologies, à la robotique, et aux technologies de l’information afin d’accéder à l’immortalité virtuelle et créer une « espèce posthumaine supérieure »65.

Pratique

Pendant que quelques transhumanistes ont une approche abstraite et théorique sur les bénéfices des techniques émergentes, d’autres ont donné des propositions précises pour des modifications du corps humain, incluant celles qui sont héréditaires. Les transhumanistes sont souvent concernés avec les méthodes d’amélioration du système nerveux humain. Bien que certains proposent la modification du système nerveux périphérique, le cerveau est considéré comme le dénominateur commun de la personnalité et est donc l’objectif principal des ambitions transhumanistes66.

En tant que partisans du développement personnel et des modifications corporelles, les transhumanistes tendent à utiliser les techniques existantes qui sont supposées améliorer les performances cognitives et physiques, pendant qu’ils s’engagent dans des routines et styles de vie faits pour améliorer la santé et la longévité67. Selon leur âge, quelques transhumanistes expriment leur préoccupation sur le fait qu’ils ne vivront pas pour récolter les bénéfices des futures techniques. Cependant, beaucoup ont un grand intérêt dans les stratégies d’extension de la vie, et pour le financement de recherches dans la cryonie, afin d’en faire une option viable de dernier recours plutôt que de la laisser comme méthode non éprouvée68. Les communautés transhumanistes régionales et internationales aux objectifs divers ont créé des réseaux et des forums pour discuter et mener des projets en commun.

Approche technologique

 - Wikipedia Orange

Converging Technologies, un rapport de 2002 explorant le potentiel de synergie des nano- et biotechnologies, est devenu un repère pour la spéculation en ce qui concerne les technologies développables dans un futur proche.

Les transhumanistes soutiennent l’émergence et la convergence de techniques telles que lananotechnologie, la biotechnologie, les techniques de l’information et de la communication et la science cognitive (NBIC) ainsi que d’hypothétiques sciences future comme la réalité simulée, l’intelligence artificielle forte, le téléchargement de l’esprit et la cryonique. Ils pensent que les humains peuvent et doivent utiliser ces techniques pour devenir plus que des humains69 Ils sont de plus partisans de la reconnaissance et/ou de la protection de la Libre-Pensée, de la Libre-Apparence, et de la Libre-Procréation en tant que Droits civiques, et ce afin de garantir aux individus et à leurs enfants le choix d’utiliser les Technologies d’amélioration de l’humain. Certains d’entre eux spéculent sur le fait que les techniques d’amélioration de l’humain et d’autres technologies émergentes faciliteront peut-être des améliorations plus radicales de l’homme à l’aube du xxie siècle43.

Un rapport de 2002, Technologies de conversions pour l’amélioration des performances humaines, missionné par la Fondation Scientifique Nationale et le département américain du Commerce, contient des descriptions et des commentaires sur l’état des sciences et des technologies NBIC ( nanotechnologies, biotechnologies, informatique et sciences cognitives ), faits par des contributeurs majeurs de ce domaine. Le rapport discute des usages potentiels de ces technologies dans l’implémentation des buts transhumanistes d’amélioration des performances et de santé, et des travaux en cours concernant les applications des technologies d’amélioration de l’humain dans l’Armée et dans la rationalisation de l’Interface homme-machine dans l’Industrie70.

Alors que les discussions internationales sur les technologies convergentes et les concepts des NBIC génèrent de nombreuses critiques sur leurs orientations transhumanistes et leurs personnages presque sortis de la science-fiction71,72,73, les recherches sur les technologies d’altération du cerveau et du corps ont été accélérées sous la tutelle du département américain de la Défense, intéressé par les avantages que celles-ci pourraient apporter sur le champ de bataille à leurs supersoldats, pour les États-Unis et leurs alliés74.

Art et culture

Articles principaux : Transhumanism in fiction et Transhumanist art.

Les thèmes du transhumanisme ont pris une place de plus en plus importante dans diverses formes littéraires pendant l’émergence du mouvement. La science-fiction contemporaine contient souvent des représentations positives d’une vie humaine technologiquement améliorée au sein d’une utopie ( spécialement dans des techno-utopies ). Néanmoins, la représentation par la science-fiction d’un être humain amélioré ou de toute autre sorte de posthumain est fréquemment accompagnée d’une mise en garde. Les scénarios les plus pessimistes incluent de nombreuses histoire horrifiques ou dystopies concernant des histoires de bioingénierie humaine ayant mal tourné. Dans les décennies précédant immédiatement l’émergence du transhumanisme comme un mouvement à part entière, de nombreux thèmes et concepts transhumanistes commencèrent à apparaitre dans les œuvres de Robert A. Heinlein (Lazarus Long series, 1941–87),A. E. van Vogt (Slan, 1946), Isaac Asimov (I, Robot, 1950), Arthur C. Clarke (Childhood’s End, 1953), Cordwainer Smith (The Boy Who Bought Old Earth, 1964) et Stanislaw Lem (Cyberiad, 1967)28.

Le genre cyberpunk, dont les oeuvres de William Gibson Neuromancer (1984) et Bruce Sterling Schismatrix (1985) sont de parfaits exemples, a été particulièrement concerné par les modifications du corps humain. Parmi les œuvres reprenant les thèmes transhumanistes, on peut signaler : Blood Music (1985) par Greg BearThe Xenogenesis Trilogy (1987–1989) par Octavia ButlerThe Beggar’s Trilogy (1990–94) par Nancy Kress; much of Greg Egan‘s work since the early 1990s, such as Permutation City (1994) andDiaspora (1997); The Bohr Maker (1995) par Linda NagataOryx and Crake (2003) par Margaret AtwoodLes Particules élémentaires (1998) et La Possibilité d’une île (2005) par Michel Houellebecq; et Glasshouse (2005) par Charles Stross. Nombre de ces travaux sont considérés comme faisant partie du mouvement cyberpunk, ou de sa ramification, le postcyberpunk.

Les fictions transhumanistes sont également devenues populaires dans les autres médias durant la fin du xxe siècle et le début du xxie. Celles traitant du corps humains se retrouvent dans les comics (Captain America, 1941; Him, 1967; Transmetropolitan, 1997), les films(2001 : L’Odyssée de l’espace, 1968; Blade Runner, 1982; Gattaca, 1997; REPO! the Genetic Opera, 2008), les séries télévisées (lesCybermen du Doctor Who, 1966; The Six Million Dollar Man, 1973; les Borg de Star Trek: The Next Generation, 1989), les mangas et lesdessins animés (Galaxy Express 999, 1978; Appleseed, 1985; Ghost in the Shell, 1989 and Gundam Seed, 2002), les jeux vidéo (Metal Gear Solid, 1998; Deus Ex, 2000; Half-Life 2, 2004; and BioShock, 2007), et les jeux de rôles (Shadowrun, 1989), Transhuman Space, 2002).

En plus du travail de Natasha Vita-More, conservatrice du centre d’art et de culture transhumaniste, les thèmes transhumanistes concernent les arts visuels et les arts du spectacle75. L’art charnel, une forme de sculpture initiée par l’artiste français Orlan, utilise le corps humain comme matériau de base et la chirurgie plastique comme méthode de création76.Certains ont pointé du doigt le chanteur américainMichael Jackson pour avoir utilisé des techniques telles que la chirurgie plastique, les drogues permettant l’éclaircissement de la peau ou les thérapies de la médecine hyperbare durant sa carrière, avec pour effet de transformer sa persona artistique de manière à brouiller les identifiant de son genre, de sa race et de son âge77. Le travail de l’artiste australien Stelarc se centrent sur l’altération de son corps par larobotique et les greffes de tissu78.D’autres artistes ont vu leur travail coïncider avec l’apparition et l’épanouissement du mouvement transhumaniste et explorent des thèmes reliés à la transformation du corps, par exemple l’artiste de scène yougoslave Marina Abramovic et l’américain Matthew Barney. En 2005, une exposition appelée « Becoming Animal » au musée d’Art contemporain du Massachusetts, présente des œuvres de douze artistes dont le travail concerne les effets de la technologie dans la disparition de la limite entre les humains et les non-humains.

La pensée et la recherche transhumaniste s’écartent sensiblement du grand public et défient souvent directement les théories orthodoxes. La notion même et la perspective de mise en valeur de l’homme et les questions connexes suscitent également des controverses publiques. Les critiques du transhumanisme et ses propositions prennent deux formes principales: les objections contre la probabilité des d’objectifs transhumanistes de pouvoir se réaliser(critiques pratiques), et celles s’opposant à leurs principes moraux sous-jacents ou à leur vision mondiale (critiques éthiques). Toutefois, ces deux critiques convergent et se chevauchent parfois, surtout lorsque l’on considère que la biologie humaine commence à peine à modifier notre vision de l’homme.

Des critiques ou des détracteurs considèrent souvent les objectifs transhumanistes »comme de véritables menaces pour les valeurs humaines. Certains font également valoir que l’insistance transhumaniste pour l’amélioration de la condition humaine pourrait détourner l’attention et les ressources des solutions sociales. En soutenant les changements technologiques en faveur de la société, la plupart des critiques contre les transhumanistes vont cependant dans leur sens quand ils attendent de la technologie des progrès sociaux dans des domaines tels que les communications ou la santé. Leurs critiques sont alors souvent une question d’accent. Parfois, les désaccords sont cependant importants au sujet des principes implicites, avec des vues divergentes sur l’humanité, la nature humaine, et l’éthique des aspirations transhumanistes. Au moins un organisme d’intérêt public, l’organisation américaine Center for Genetics and Society, a été formé, en 2001, avec l’objectif de s’opposer au projet transhumaniste de modifier génétiquement les hommes, comme par le clonage ou la technologie du choix germinal. L’Institut sur la biotechnologie et l’avenir de l’homme du Chicago-Kent College of Law fait une analyse critique des applications de la génétique et les nanotechnologies à la biologie humaine dans un cadre universitaire.

Certaines des critiques les plus connues du programme transhumaniste se réfèrent aux romans et aux films de fiction. Ces œuvres d’art, en dépit de leur caractère imaginaire plutôt que philosophique, sont utilisées comme pièces à conviction.

Aperçu du transhumanisme

Pic de la Mirandole appelait déjà l’homme à sculpter sa propre statue et même avant lui Plotin : « Si tu ne vois pas encore ta propre beauté, fais comme le sculpteur d’une statue qui doit devenir belle : il enlève ceci, il gratte cela… De la même manière, toi aussi, enlève tout ce qui est superflu, redresse ce qui est oblique » (Énnéades).

Le terme transhumanisme a, quant à lui, été introduit par Julian Huxley en 1957, bien que le concept qu’il désignait diffère sensiblement de celui auquel les transhumanistes font référence depuis les années 1980.

Le transhumanisme s’est vu donner sa définition moderne par le philosophe Max More : « Le transhumanisme est une classe de philosophies qui tentent de nous guider vers une condition post-humaine. Le transhumanisme partage de nombreux éléments avec l’humanisme, ce qui inclut du respect pour la raison et la science, un attachement au progrès, et une valorisation de l’existence humaine (ou transhumaine)… Le transhumanisme diffère de l’humanisme en reconnaissant et en anticipant les altérations radicales de la nature et les possibilités de nos vies qui résultent de diverses sciences et techniques […] » [1]

Dr. Anders Sandberg croit que « le transhumanisme est la philosophie qui dit que nous pouvons et devrions nous développer à des niveaux supérieurs à la fois physiquement, mentalement et socialement, en utilisant des méthodes rationnelles » tandis que Dr. Robin Hanson croit que « le transhumanisme est l’idée que les nouvelles techniques vont probablement tellement modifier le monde d’ici un siècle ou deux que nos descendants ne seront plus ‘humains’ sous de nombreux aspects ».

Pour résumer la FAQ Transhumaniste (2.1), un des documents transhumanistes les plus reconnus, le transhumanisme est défini comme suit:

  • La promotion de l’amélioration de la condition humaine à travers des techniques d’amélioration de la vie, comme l’élimination du vieillissement et l’augmentation des capacités intellectuelles, physiques ou psychologiques.
  • L’étude des bénéfices, dangers et de l’éthique de la mise en œuvre de ces technologies.

Transhumanisme et technique

Les transhumanistes encouragent en général les techniques modernes, y compris certaines qui prêtent à controverse, comme le génie génétique appliqué aux humains, ainsi que des techniques futuristes telles que le téléchargement d’un esprit humain vers une simulation exécutée par un ordinateur.

Typiquement, les transhumanistes pensent que les avancées rapides des techniques conduiront dans un avenir proche à la création d’uneintelligence artificielle dont les capacités dépasseront celles des humains, et que cela conduira inexorablement à un progrès radical dans des domaines comme la nanotechnologie et l’ingénierie à l’échelle sous-moléculaire.

Certains analystes observent que le rythme du développement technologique accuse une augmentation régulière, ce qui conduit de nombreux futuristes à spéculer que les cinquante prochaines années vont conduire à des avancées technologiques radicales. Par conséquent, ils pensent qu’un nouveau paradigme pour penser l’avenir de l’humanité a commencé à prendre forme. La condition humaine, disent-ils, n’est pas aussi constante qu’elle l’a semblé, et des innovations futures autoriseront les humains à transformer leurs caractéristiques physiques, émotionnelles et cognitives comme ils le désireront. Certains arguent que le développement constant de l’intelligence artificielle aboutira, à un horizon variable, à l’apparition d’un ordinateur doté de capacités supérieures à celle d’un cerveau humain et de créativité,et qu’il en résultera un emballement technologique qui fera constament avancer les techniques de transhumanisme et permettra à la création d’une sorte d' »évolution technologique » constante.

Le transhumanisme soutient que cela est bon, et que les humains peuvent et devraient devenir plus qu’humains.

« Le transhumanisme est plus qu’une simple croyance abstraite que nous sommes sur le point de transcender nos limitations biologiques au travers de la technologie. C’est aussi une tentative pour réévaluer la définition entière de l’être humain comme on la conçoit habituellement », dit le philosophe transhumaniste Nick Bostrom. « Et c’est un engagement à entreprendre une approche constructive et à long terme concernant notre nouvelle situation. »

Plus récemment, Jacques Attali, dans Une brève histoire de l’avenir, paru en 2006, voit dans le transhumain la porte de sortie de l’hyperempire, un monde chaotique qu’il décrit comme dominé par les mutations technologiques et débouchant sur un conflit généralisé vers 2050.

Lumières et racines humanistes

Suivant l’influence politique, philosophique et morale des Lumières, le transhumanisme cherche à construire à partir de la base de connaissances globales, pour le bien de l’ensemble de l’humanité.

Dérivé en partie de la tradition philosophique de l’humanisme séculaire, le transhumanisme affirme que les humains ne devraient pas être vus comme le « centre » de l’univers moral, et qu’il n’y a pas de force surnaturelle qui guide l’humanité. Bien qu’étant un mouvement très diversifié, le transhumanisme tend vers l’usage d’arguments rationnels et d’observations empiriques de phénomènes naturels. De nombreuses manières, les transhumanistes prennent part dans une culture de science et de raison, et sont guidés par des principes de valorisation de la vie.

En particulier, le transhumanisme cherche à appliquer la raison, la science et les techniques dans le but de lutter contre la pauvreté, la maladie, le handicap, la malnutrition et les gouvernements dictatoriaux dans le monde. De nombreux transhumanistes vantent activement le potentiel qu’offrent les techniques futures et les systèmes sociaux innovants pour améliorer la qualité de la vie, tout en permettant à la réalité physique de la condition humaine de satisfaire les promesses d’égalité légale et politique en éliminant les barrières congénitales mentales et physiques.

Au-delà de l’humanisme

Le transhumanisme prétend qu’il existe un impératif éthique pour que les humains recherchent le progrès et l’amélioration. Si l’humanité entre dans une phase post-Darwinienne de l’existence, dans laquelle les humains contrôlent l’évolution, alors les mutations aléatoires seront remplacées par des changements guidés par la raison, la morale et l’éthique.

À cette fin, les transhumanistes s’engagent dans des approches interdisciplinaires pour comprendre et évaluer les possibilités afin de surmonter les limitations biologiques. Cela inclut l’usage de nombreux domaines et sous-domaines de la science, de la philosophie, de l’histoire naturelle et de la sociologie.

Poésie et transhumain

En mai 2009Serge Venturini publia dans son huitième livre, écrit entre la poétique du posthumain (2000-2007) et le journal du transvisible(2007-2009), son troisième livre d’Éclats : La poétique du transhumain (2003-2008) qui est « comme un dégagement , contre les murs de l’obscurantisme et de la lâcheté. Contre le mensonge organisé. Ce livre est une marche, pour « une traversée des résistances poétiques, transhistoriques autant que transhumaines », selon Philippe Tancelin. – Un appel vers autre chose. »79

Manifestes transhumanistes

La première déclaration transhumaniste fut formulée par FM-2030 dans son Upwingers Manifesto en 1978, comme une vue optimiste de l’avenir et une référence à l’idée politique que ni la gauche ni la droite n’apporteraient les changements nécessaires à un avenir positif.

En 1990, un code plus formel et concret pour les transhumanistes libertariens prend la forme des Principes transhumanistes d’Extropie(Transhumanist Principles of Extropy), l’extropianisme étant une synthèse du transhumanisme et du néolibéralisme.

Et, finalement, en 1999, l’Association transhumaniste mondiale, dont les membres sont dans leur immense majorité des centristesconvaincus des vertus de la démocratie libérale, rédige et adopte la Déclaration transhumaniste (Transhumanist Declaration):

  1. L’avenir de l’humanité va être radicalement transformé par la technologie. Nous envisageons la possibilité que l’être humain puisse subir des modifications, tel que son rajeunissement, l’accroissement de son intelligence par des moyens biologiques ou artificiels, la capacité de moduler son propre état psychologique, l’abolition de la souffrance et l’exploration de l’univers.
  2. On devrait mener des recherches méthodiques pour comprendre ces futurs changements ainsi que leurs conséquences à long terme.
  3. Les transhumanistes croient que, en étant généralement ouverts à l’égard des nouvelles techniques et en les adoptant, nous favoriserions leur utilisation à bon escient au lieu d’essayer de les interdire.
  4. Les transhumanistes prônent le droit moral, pour ceux qui le désirent, de se servir de la technologie pour accroître leurs capacités physiques, mentales ou reproductives et d’être davantage maîtres de leur propre vie. Nous souhaitons nous épanouir en transcendant nos limites biologiques actuelles.
  5. Pour planifier l’avenir, il est impératif de tenir compte de l’éventualité de ces progrès spectaculaires en matière de techniques. Il serait catastrophique que ces avantages potentiels ne se matérialisent pas à cause de la technophobie ou de prohibitions inutiles. Par ailleurs, il serait tout aussi tragique que la vie intelligente disparaisse à la suite d’une catastrophe ou d’une guerre faisant appel à des techniques de pointe.
  6. Nous devons créer des forums où les gens pourront débattre en toute rationalité de ce qui devrait être fait ainsi que d’un ordre social où l’on puisse mettre en œuvre des décisions responsables.
  7. Le transhumanisme englobe de nombreux principes de l’humanisme moderne et prône le bien-être de tout ce qui éprouve des sentiments qu’ils proviennent d’un cerveau humain, artificiel, post-humain ou animal. Le transhumanisme n’appuie aucun politicien, parti ou programme politique.
  8. Nous prônons une large liberté de choix quant aux possibilités d’améliorations individuelles. Celles-ci incluent les techniques qui pourraient être développées afin d’améliorer la mémoire, la concentration, l’énergie mentale; Des thérapies permettant d’augmenter la durée de vie, ou d’influencer la reproduction; La cryoconservation, et beaucoup d’autres techniques de modification et d’augmentation de l’espèce humaine.

Alastair Reynolds aborde également le transhumanisme au travers de son cycle des Inhibiteurs, principalement par ses personnages Ultras et Conjoineurs.

Critiques

Diverses sources de la communauté scientifique ont classé certains éléments du transhumanisme parmi les sciences marginales72,80. La notion de développement humain et autres sujets connexes ont soulevé de nombreuses controverses81. La critique du transhumanisme a pris deux directions distinctes : une critique pragmatique concernant les objectifs de ce courant et une critique morale des principes du transhumanisme.

Le Center for Genetics and Society a été créé en 2001 aux États-Unis avec pour objet principal de s’opposer au projet transhumaniste, dont celui du clonage humain.

Le sociologue Max Dublin accuse les prédictions du transhumanisme d’être fanatiquesscientistes, et nihilistes et voit des parallèles possibles avec certaines religions millénaristes et les doctrines communistes82.

Kevin Kelly du magazine Wired déclare que l’optimisme des transhumanistes est dû à leur désir d’être sauvé de leur propre mort83.

« Jouer à dieu »

Les critiques faisant référence à l’idée que les transhumanistes joueraient à dieu proviennent de sources diverses, religieuses ou non.

Une déclaration du Vatican de 2002, intitulée « Communion et service, les personnes humaines créées à l’image de Dieu » stipule que « changer l’identité génétique de l’homme, en tant que personne humaine, par la production d’un être infra-humain est radicalement immoral » ajoutant que « la création d’un surhomme ou d’un être spirituel supérieur » est « impensable » puisque la véritable amélioration ne peut survenir que par l’expérience religieuse et la théosis 84.

Qu’est-ce que la psychologie transpersonnelle ?

C’est la vision au-delà de l’ego. C’est une approche existentielle qui donne aux expériences de vie un sens universel. Elle permet une deuxième “lecture” des événements et situe l’être humain comme faisant partie du tout universel où cohabitent l’inconscient personnel et l’inconscient collectif. Elle donne un sens différent aux évènement de la vie: retour des choses positif ou passage initiatique difficile à un autre niveau de conscientisation par le biais d’une épreuve.

Quels sont les fondements du transpersonnel ?

La psychologie transpersonnelle s’enrichit des découvertes de la psychologie moderne et y ajoute la dimension spirituelle, partie intégrante de l’être humain, au delà de tout dogme ou croyance religieuse. C’est la rencontre de l’Orient et de l’Occident, l’union de la mystique ancienne et de la science moderne.

Qu’est-ce que l’intuition ?

L’intuition est cette connaissance immédiate, claire et directe de la vérité, en dehors de la raison. C’est l’accès à l’inconscient collectif, le savoir direct où se trouvent toutes nos ressources créatrices. Nous en savons plus que nous n’en n’apprendrons jamais. Il n’existe pas de gens qui savent et d’autres pas. Il n’y a pas d’élus. Quand Jung nous parle d’inconscient collectif, il parle de ces archétypes ou modèles universels de comportement, de ce réservoir infini qui n’attend qu’à être consulté.

Quelle est la spécificité de la psychologie transpersonnelle ?

C’est une approche holistique qui intègre les quatre dimensions de l’être humain, physique, émotive, mentale et spirituelle, pour accéder à l’harmonie. Cette nouvelle dimension permet d’inclure l’intuition, le silence et la méditation pour aller contacter tout cet impalpable qui existe. Sa plus grande richesse est d’apporter une deuxième lecture de l’existence humaine.

Que signifie la deuxième lecture ?

C’est une autre vision des choses. Elle transforme les épreuves en cadeaux. Vous venez de perdre votre emploi, vous êtes en colère, vous avez peur. La deuxième lecture vous conduit à vous interroger sur ce que vous venez de recevoir. Ce peut être l’opportunité de changer de travail, de trouver votre propre domaine de réalisation et de faire ce dont vous avez toujours rêvé. Vous vivez un deuil, ça fait monter en vous dela tristesse, un sentiment de trahison et une impression de désarroi et de même de la colère… En deuxième lecture, au delà des frustrations de l’ego, vous tentez de trouver l’héritage, les messages, la mission peut-être que vous laisse cette personne chère par son départ physique et non spirituel. L’énergie de cette être cher demeure avec vous et son esprit veille sur vous. Vous pouvez même lui parler et lui demander de l’aide. Une rupture affective provoque les mêmes sentiments au niveau de l’ego. En deuxième lecture, c’est l’occasion de prendre un recul, de faire un bilan, d’intégrer les enseignements de la situation et de se préparer à une autre union encore plus satisfaisante.

Quelles sont les conséquences d’une deuxième lecture ?

Si vous développez cette capacité à faire une deuxième lecture, votre existence change. Cette vision des choses permet le passage de la dimension de victime à celle de guerrier pacifique responsable. Devenir responsable c’est aller à la rencontre des sollicitations continuelles qui nous sont offertes pour notre cheminement et notre épanouissement. La vie est faite de cycles. Le lâcher prise permet de passer à un autre cycle.

Comment dépasser ses peurs ?

Les peurs sont des données négatives imprimées à l’intérieur de nous suite à notre éducation et à nos expériences de vies. Elles sont apprises et non innées. Se confronter à elles, les reconnaître et les apprivoiser permet de les dépasser. C’est le processus de conscientisation qui passe par l’action et non par le mental. J’ai été élevé par un père peureux et j’aime le risque, ce qui n’empêche pas la peur d’être présente. À chaque fois que je prends un risque et que je réussis, ma peur diminue ainsi que les référentiels négatifs. A l’inverse, ma sœur ose très peu. Nous avons pourtant eu le même père mais nous avons réagi différemment. C’est le mystère de l’être humain. C’est ce qui fait que chaque être est unique avec son mystère intérieur.

À qui s’adresse la psychologie transpersonnelle ?

Aux personnes qui reconnaissent un minimum de place à l’élément impalpable, énergétique, spirituel dans leur vie. C’est tout ce qui fait que la vie est en moi. Appelez-le comme vous voulez. Croire à la dimension mystique ce n’est pas adopter des dogmes, c’est juste ouvrir son coeur et son âme.

Le hasard existe-t-il ?

Non absolument pas ! C’est un terme rassurant qui fait l’affaire des sceptiques pour ne pas accepter les évènements qui se produisent dans la vie hors du contrôle empirique et rationnel et leur donner un caractère accidentel et occasionnel. Jung disait que lorsqu’on est bien dans sa peau, détendu et présent on est presque toujours en état de vivre les synchronicités.

Qu’est-ce que la synchronicité ?

C’est le bon événement extérieur qui arrive au bon moment en harmonie avec une énergie intérieure précise, un besoin à combler, une harmonie à retrouver, une blessure à guérir, une opportunité de grandir à saisir, un passage à effectuer. C’est l’harmonisation de l’intérieur et de l’extérieur dans un moment privilégié de présence. Souvent on n’y prête pas attention à cause de notre raisonnement. Notre pire ennemi est notre ego qui a peur, peur de se faire avoir, qui n’a pas confiance. Je
vis cinq mois par an en Asie et pendant cette période je suis souvent en synchronicité. Plus que chez moi, parce qu’en Amérique j’ai une vie stressante. Je vis dans une culture où l’on court tout le temps. C’est une énergie d’excellence, de compétition et de jugements; une attitude trop souvent négativiste et défaitiste. En Asie, le point de départ est mystique. Pour se saluer, on fait un geste de paix ( le wai ). Chaque jour, plusieurs moments sont consacrés à la prière. Tous les hommes iront à un ou plusieurs moments de leur vie, trois semaines ou plus, faire l’expérience de la vie de bonze au temple. Le silence fait partie intégrante du quotidien. En Occident, on fait silence une minute pour souligner le décès d’une personne célèbre. C’est incroyable ! On parle tout le temps ! On oublie de fréquenter le doux territoire du silence. Chaque hiver, lorsque j’accueille des québécois et des français pour leur faire découvrir une partie de l’Asie du Sud -Est au cœur des gens, , le silence fait partie intégrante du voyage. Le grand poète et chansonnier québécois Gilles Vigneault disait: « Dans la forêt, si tu parles tout le temps, tu ne vois rien, tu n’entends rien et tu ne sens rien ! »

Pouvez-vous me parler du silence ?

Le silence est une ressource extraordinaire, une nourriture qui apaise. Il favorise la manifestation de l’intuition, voie royale de la connaissance innée. Votre intuition vous donne accès à la vérité car elle est en dehors de la raison. Les réponses sont en vous, il suffit de les écouter. Pourtant, nous en avons peur et nous faisons tout pour l’éviter. L’être humain qui doucement s’ouvre à inclure le silence dans sa vie, va développer l’inspiration créatrice qui le conduira à sa pleine réalisation. Bach disait : “L’affaire n’est pas de trouver mes mélodies mais plutôt de ne pas les piétiner le matin en sautant hors du lit.” L’inspiration vient dans le silence de la nuit, mais la raison est là au réveil pour tout saboter.

Comment être en silence ? 

Cela demande de la discipline. C’est réapprendre à vivre en faisant des expériences simple en nature, par exemple, en concentrant son attention quelques minutes sur la vue, l’ouïe, l’odorat. En faisant cela quotidiennement, vous changez votre façon d’être dans le monde. Vous entendez votre respiration: l’inspiration (votre choix de vivre) et l’ expiration (le lâcher prise sur vos peurs) La nature nous ramène à l’essence de la vie.

Quel est le rôle du thérapeute humaniste transpersonnel ?

Il passe de l’expert, celui qui sait, à une humble personne à l’écoute, fidèle témoin de ce qui vous arrive. Il a de la gratitude pour votre présence. Vous arrivez à point dans sa vie pour lui permettre de grandir. C’est un échange dynamique, car chaque personne est un enseignant l’un pour l’autre. Le cheminement thérapeutique se fait à deux . La rencontre alchimique de votre ouverture du coeur et l’écoute inconditionnelle de votre thérapeute amènent un résultat positif qui prend forme dans une action au quotidien. Ce processus amenuise le phénomène de dépendance et de fusion.

Vous dites que les psys sont des manipulateurs ?

Oui, car nous avons une telle connaissance de l’être humain que nous pouvons utiliser la manipulation avec subtilité. C’est un grave danger ! Pour cette raison, tout psy consciencieux doit demeurer sa vie durant en supervision afin d’éviter toute forme de transfert sur ses clients. C’est un minimum de conscience professionnelle pour éviter les projections et les fusions thérapeutiques malsaines. Manipuler est acceptable uniquement si c’est dans l’intérêt exclusif du client.

Quelle est votre démarche ?

J’offre des ressources transpersonnelles comme apprendre à méditer et à faire des rituels en nature, à utiliser les universels de guérison – le chant, la danse, les légendes et le silence – à lire les messages de ses rêves, à dessiner et écrire pour se retrouver, à développer son intuition et à trouver les réponses à l’intérieur de soi. Je ne veux pas donner d’illusion aux gens. Le fast-food du psy, ça ne marche pas. On ne peut pas régler, en un stage, des choses qui sont là depuis des années. Toutefois, je donne des pistes de travail qui permettent une bonne continuation. Le travail se fait toute la vie, à son propre rythme.

En général, quelles réactions ont les gens face aux évidences ?

Pour les évidences, vous avez deux choix. La première est de regarder cette évidence avec courage, étape par étape, en prenant tout le temps nécessaire. C’est la position responsable. La deuxième, c’est le transfert négatif sur l’autre. Dans le cadre d’un travail thérapeutique, vous pouvez accuser votre thérapeute d’être incompétent afin d’ éviter de poser des actions difficiles de lâcher prise dans votre vie reliées aux fin de cycle, par exemple. Lorsqu’un cycle est terminé, inutile d’essayer de le prolonger. Ce n’est que négation illusoire. Nous avons appris à penser linéaire alors que la réalité est cyclique. Ceci est applicable au niveau personnel et au niveau professionnel. Une profession ou un travail qui ont été sources de réalisation peuvent facilement devenir médiocrité et routine tout comme une relation affective nourrissante deviendra, le cycle étant terminé, un lieu de destruction plutôt que de l’épanouissement mutuel des êtres.

Quel est le but de la psychologie transpersonnelle ?

Amener l’être humain à compléter son processus d’individuation qui est de vivre en harmonie avec ses ombres et ses lumières, ses paradoxes. le mot individuation vient du latin in et dividu qui veut dire non divisé et exprime l’idée d’une totalité à l’intérieur d’un seul être. C’est un processus d’intégration, intégration entre ces aspects de la personnalité (positifs et négatifs) qui font qu’une personne est unique et ceux qui sont collectifs, appartenant à tout le monde et à personne, mais dont chacun a besoin pour vivre et fonctionner. « Pas facile ce processus » de dire Carl.-G. Jung « car rien n’est plus difficile pour un homme que d’avoir à se supporter lui-même » L’être humain se réalise lorsqu’il vit aux quatre niveaux de conscience (physique, émotif, mental et spirituel). Une réflexion ne suffit pas. Savoir et être conscient sont deux états différents. Le premier est au niveau mental et risque de demeurer statique. L’autre est viscéral et conduit à l’action et au changement. C’est la loi de l’impermanence: tout est en mouvement. La rivière coule et suit son cours; si elle s’arrête, elle devient marais et stagnation. On doit rester présent et vigilant à chaque moment de sa vie car tout travail sur soi-même en thérapie individuelle ou en groupe est purement narcissique s’il ne provoque pas un changement de perspective et une action au quotidien.

D’où vient ce besoin de spirituel ?

A la fin des années 1970, la religion a décliné mais les êtres humains avaient toujours besoin de nourriture spirituelle. La vision mystique nous sort des limites purement matérielles et révèle des valeurs d’amour, de compassion, de respect. Les jeunes, aujourd’hui, ressentent cet élan spirituel, dénudé de références dogmatiques, car ils n’ont pas vraiment été élevés dans la religion. Ils semblent compenser par des expériences extatiques qui leur procurent des états modifiés de conscience. La Californie est le berceau de cette nouvelle dimension de la psychologie. Chez-nous, il existe une véritable chasse aux sorcières. Les corporations professionnelles de psychologie refusent le transpersonnel à cause de l’intégration du spirituel à l’approche empirique de la psychologie de l’observable, du palpable et du quantifiable (les statistiques, pré-requis de base pour être admis comme étudiant en psychologie). Pourtant Carl G. Jung, lui-même élève de Freud, s’ est dissocié de son maître pour introduire la dimension transpersonnelle en psychologie. 

En France et en Belgique, le transpersonnel est un peu plus intellectuel et rationnel. En Amérique, il est plus centré sur le coeur. Mais dans un cas comme dans l’autre, il n’est pas enseigné à l’Université de façon approfondie. C’est exceptionnel que j’aie pu faire une double maîtrise universitaire en psychologie et en counselling transpersonnel à l’Université en Californie.

Qu’est-ce que la maladie ?

La maladie c’est un temps d’arrêt, de bilan et d’appréciation de la vie. C’est souvent l’aboutissement de refoulement, l’explosion de ce qui est resté compressé à l’intérieur. “Ce qui ne s’exprime pas s’imprime.”
La maladie devient alors votre façon de vous exprimer. Elle est une merveilleuse opportunité de réflexion, de vision nouvelle. Je la mets au même niveau que les épreuves de la vie. Elle procure un grand
sentiment d’impuissance et ramène à l’humilité. Combien de personnes ont besoin de la maladie pour commencer à vivre. C’est le cadeau ultime, le signe qu’il est nécessaire de changer sa façon de survivre et se mettre à vivre. C’est souvent une épreuve pour nous permettre d’aller plus haut.

Qu’est-ce que le processus d’autoguérison ?

Nous possédons tous un pouvoir d’autoguérison. Il passe par les quatre niveaux de conscience. La détermination physique du guerrier, la présence guérisseuse du cœur, la capacité du mental de lâcher prise sur ses veilles références et l’inspiration du spirituel (l’enfant divin intérieur). Un bel outil thérapeutique de conscientisation qui existe est l’écriture du journal personnel. Il permet à l’hémisphère gauche de votre cerveau d’exprimer, de dire les choses et d’officialiser votre expérience.
L’hémisphère droit, lui, s’exprimera par le dessin. « L’expression symbolique » dira Jung « amorce un processus de transformation et de guérison intérieure ». Si vous allez voir une personne en pensant qu’elle peut vous guérir, c’est votre guérisseur intérieur qui s’activera et vous guérira. Le mental, le coeur et l’esprit sont très forts.

Quelle est la clé de la bonne santé ?

Vivre pleinement et calmement le présent et l’ici et maintenant. Carpe diem !. Ces moments où vous n’êtes ni dans le souvenir du passé ni dans la projection du futur, mais où vous savourez ce qui est là. Quand vous êtes seul et que vous vivez l’instant présent, vos quatre niveaux de conscience sont activés . Au niveau physique, vous êtes détendu, vous inspirez et expirez ; au niveau du cœur, vous êtes dans la compassion ; au niveau de la pensée, vous faites le vide pour être disponible au lâcher prise et au niveau spirituel, vous êtes en fusion avec l’expérience. L’expérience spirituelle ultime sont ces moments où vous êtes en fusion, où la dualité du sujet et de l’objet a disparu. Si chaque jour, vous pouvez vous donner à vivre ces instants de ressourcement, vous alimenterez votre santé et vous serez en harmonie avec les quatre dimensions de votre être.

La roue de médecine
Les amérindiens nous enseignent que chaque personne est un miroir, un enseignant pour nous. C’est la dynamique du guérisseur blessé. Chacune de ses souffrances exposées est l’occasion d’une guérison pour les autres concernés. Une personne qui se prépare à mourir est une grande source d’inspiration et de plénitude pour les gens qui l’entourent et qui l’écoutent. Vous rencontrez une personne qui vous énerve : en première lecture, vous fuyez cette personne, en deuxième lecture, vous deviendrez peut-être progressivement son ami car vous aurez intègre quelle partie de vous seretrouve en elle. A l’inverse, lorsque vous admirez une personne, les qualités que vous lui reconnaissez sont à l’intérieur de vous sinon vous ne les verriez pas.

La régression
Toute impression de régression ou de tourner en rond annonce souvent une nouvelle étape, un profond passage de transformation. C’est un processus naturel qui se produit régulièrement et qui permet ensuite de mieux avancer. Le doute, le découragement font partie du processus d’évolution. Le début de la sagesse, c’est d’accepter de lâcher prise sur le contrôle, de vivre la confusion.

La respiration
La pratique de la respiration est fondamentale. Chaque inspiration est un choix de vie, une ouverture à l’expérience nouvelle, il est l’émergence. Chaque expiration est un lâcher prise, un nettoyage, un
détachement de la tension du désir créé par les attentes et le contrôle.

Par Lucien ALFILLE

Le concept de transpersonnel (et surtout naturellement le vécu de ce type d’expérience) éclaire d’un jour particulièrement fécond un ensemble très varié de phénomènes présentés par les expérimentateurs, et permet ainsi de faire apparaitre une sorte d’unité sous sous-jacente à cette extraordinaire, merveilleuse et surprenante danse de cette « chose » (entre guillemets, et avec le plus profond respect pour cet Inconnaissable) que nous appelons la conscience humaine, depuis les abimes de douleur, rencontrées dans la déréliction par les pensionnaires des hôpitaux psychiatriques, jusqu’aux cimes sublimes décrites par les poètes et mystiques des diverses Traditions, et dont vous trouverez quelques extraits d’expérimentateurs favorisés de la Commission.

Le plan sera le suivant , avec une certaine dose d’arbitraire naturellement :

I- Expériences transpersonnelles relevant « relativement » commodément du cadre de lecture psychologique .
toute  série de phénomènes (rêves prémonitoires, lecture de pensée, phénomènes dits hallucinatoires, visuels ou auditifs,etc…) étaient  des phénomènes interpersonnels, mais encore faudrait-il examiner les éventuels mécanismes mis en jeu.

II- Dans un cadre particulier, nous pouvons exposer le problème des phénomènes de « guérisseur », et les répercutions psychologiques et spirituelles de ce type de phénomènes.

III- A partir de là, nous pouvons avec toutes les précautions possibles quant à la validité des hypothèses envisagées, essayer d’expliciter certains mécanismes mis en jeu. Nous parlerons ici, de la notion d’Etat d’Etre et de la notion bien complexe d’Energie, ainsi que des problèmes consécutifs a la « projection du refoulé ».

IV- Enfin j’exposerai des expériences transpersonnelles qui relèvent du cadre de lecture  » spirituel  » ( visions d’êtres, plénitude, amour universel, paix, compassion, etc…) ainsi que cet accès a l’Ineffable dans les expériences de la vacuité.

I- EXPERIENCES RELEVANT DU CADRE DE LECTURE PSYCHOLOGIQUE

Les expérimentateurs sortent du cadre du système standard spatio-temporel dans lequel nous sommes immergés ,et disons le, bien imbibés, avec lequel nous fonctionnons dans notre état de conscience courant ; il est vrai que l’on ne sort pas de ce système sans certains risques. Les expériences sont très fascinantes, et elles comportent un grand nombre de dangers, dont celui du décrochage du  » réel « , c’est a dire du monde construit par notre société pour son fonctionnement satisfaisant, avec les échanges codifiés courants intrapersonnels et interpersonnels.

Beaucoup de jeunes, et de moins jeunes aussi, peuvent être tentés par les expériences du type « sortie hors du corps »,par exemple, qui peuvent présenter des risques de destructuration. En effet, nous sommes ici et maintenant, en 1987, à l’Institut Karma Ling, en France, dans une culture déterminée, et on ne décroche pas de cet espace-temps sans de sérieuses précautions.

I-1) Expériences prémonitoires :
I-1.a) Prévision de sujets d’examen

« … J’avais 20 ans, étudiante en 2ème année de Science Po. Il y avait deux épreuves en Septembre : Droit Administratif et une épreuve tirée au sort sur 3 sujets.
A l’état d’éveil en Juillet, j’ai eu la révélation des sujets :
Institutions Juridictionnelles et Cour de Cassation !
Je pense avoir été aidée par je ne sais qu’elle instance, mais ce que je peux dire de mes sentiments à cette période, c’est que j’étais dans un état de grande détresse morale avec l’impression d’être vide… »

I-1.b) Rève prémonitoire

« … Je rève que je conduis ma voiture et que je suis blessée au bras dans un accident.
Un peu impressionnée par cela, j’évite le lendemain de prendre ma voiture, et alors pour me déplacer je prends un taxi ; il se produit alors un accident léger de la circulation et je me retrouve avec le bras blessé… »

A partir du grand nombre d’expériences enregistrées de ce type, les expérimentateurs signalent que très souvent, l’information leur est fournie par un système de sensations/perceptions où la sensibilité corporelle est mise en jeu de facon peu courante ; elle semble particulièrement exacerbée et affinée par rapport au vécu courant, et les expérimentateurs soulignent souvent qu’ils « sentent quelque chose dans leur corps » ou parlent de « vécu dans le corps ». Ce n’est pas intellectuel, ce n’est pas une pensée. Il s’agit d’une « intuition spéciale au corps », dont nous donnons ci dessous deux exemples :

I-1.c) Sensation brutale de refroidissement de la température du corps :
« … un après midi, mon corps brusquement est devenu tout glacé, figé et immobile, et je me demandais ce qui m’arrivait… j’ai ensuite appris qu’au même moment, mon frère venait de décéder à l’étranger… »

I-1.d) Sensation d’énorme pesanteur du corps :
« … j’étais restée dans le chalet le matin ,isolée, et ne pouvais me lever pour faire l’excursion avec mes enfants. Ne pouvant presque pas bouger, mon corps pesait des tonnes !!, et j’ai su alors qu’il y aurait un accident.Je me suis dit : c’est surement un accident de mon fils, et j’avais très peur. A 15 heures, j’ai finalement réussi à me lever et suis sortie du chalet et ai fait une petite promenade ; quand je suis revenue détendue, et ayant oublié ma peur, j’ai vu en rentrant mon fils qui m’a informé de l’accident de mon beau-fils… »

Dans le meme esprit, nous disposons de nombreux rapports d’expérimentateurs qui signalent entrer en relation avec des personnes face a eux, connues ou inconnues d’eux, et de percevoir toujours par ce biais subtil du corps, des informations souvent gardées secrètes par ces personnes au niveau de leur profonde intimité. C’est comme si les expérimentateurs mettaient a nu la psyché des personnes, et ces informations , en général bien enfouies dans l’ombre, font toujours un grand effet sur ces dernières.
Ces expérimentateurs parlent  » d’intuition dans le corps  » ou  » d’intuition imposée comme une évidence… »

I-2) Expériences de sortie hors du corps :

Il s’agit souvent d’expériences obtenues soit volontairement, soit involontairement par des expérimentateurs dans le domaine crépusculaire qui est situé a mi-chemin entre l’état de veille standard et l’état de sommeil ( états hypnagogiques et hypnopompiques ).

I-2.a) Expériences de vision volontaire a distance :

« … Je peux me mettre en état , et faire une sortie hors de mon corps. Je peux ainsi, par exemple, voir mon courrier tel qu’il est placé dans ma corbeille sur mon bureau, à 100 kilomètres de distance, et quand j’arrive, je peux vérifier que c’est bien cela (caractéristiques et dimensions des enveloppes, effigies particulières des timbres venant de l’étranger, etc…). Par contre je ne peux pas manœuvrer, ni opérer sur les objets… »

Nous noterons que l’absence d’interaction matérielle volontaire reste pratiquement le cas le plus fréquent de ce type d’expérience. Toutefois, quelques rares cas signalent la possibilité non seulement de vision et audition a distance, mais d’actions, et qui posent de sérieux problèmes, dont l’analyse sort du cadre de cet éxposé.

I-2.b) Expérience inopinée de sortie hors du corps :

« … Mes premières expériences datent de l’age de 16-17 ans. J’ai vécu dans les Vosges durant la dernière guerre, et couché de bonne heure (il n’y avait pas grand chose a faire) j’étais en train de rêvasser dans mon lit, et la première image mentale bloquée, c’est que je me suis vu debout a coté du lit ;j’étais dans une grande joie, et j’ai poussé des cris et chants, mais j’ai vu une zône noire a côté, j’ai eu peur et me suis réveillé. Je n’en ai pas parlé a mes parents car ils n’avaient rien entendu et ensuite tous les soirs, j’ai eu ces répétitions d’expériences, et je pensais que je devais être fou. C’est la première fois depuis près de quarante ans que j’ose en parler… »

Il est vrai que dans notre société, nous n’avons pas de structures d’accueil pour ces catégories d’expériences , et très souvent, c’est la grille de lecture psychiatrique qui vient se plaquer dessus.
L’expérience tant personnelle que celle acquise depuis 3 ans par les échanges dans la Commission, m’ont montré que si ce genre de vécus est pris au départ par quelqu’un capable de ramener ces vécus extrêmement chargés d’affects a leur vraie échelle, le risque de dérapage est extrêmement réduit.

I-3) Expériences de transfert d’angoisse :

En effet, la personne faisant ce genre d’expériences précédentes, se trouve dans la majorité des cas que nous connaissons, sous une charge d’affects (en général d’angoisse) épouvantable, et si elles en parlent, cette angoisse entraine des échos puissants dans l’entourage. Ce dernier va se protéger en renvoyant sa propre angoisse sur ce pauvre paratonnerre, qui a déja bien du mal à supporter la sienne, et qui va alors sombrer et être catalogué sur le mode de la « folie », et alors entrer dans le circuit malheureusement bien codifié du système psychiatrique…

Il n’est pas question ici, pour ma part, de nier la réalité de la « vraie folie », c’est a dire de l’impossibilité de négocier et d’ajuster ses échanges avec le milieu ambiant, mais ce que je voudrai souligner, c’est que dans de nombreux cas, la personne dans cet état, qui est en difficulté existentielle sérieuse, et donc a particulièrement besoin d’un soutien ou appui du groupe, se trouve en général dans notre culture, rejetée, classée dans l’aliénation, avec une surcharge d’anxiété, qui ne fait qu’accentuer son déséquilibre.

En effet, j’ai rencontré des personnes qui ont présenté des vécus particulièrement perturbants, par exemple du type du démembrement, dissociations corporelles, engloutissements analogues au récit biblique de Jonas avalé par la baleine, etc…qui auraient été classés, s’ils s’en étaient ouverts a leur entourage, dans la nosographie psychiatrique lourde sans l’ombre d’un doute … Ce que je puis attester actuellement, c’est que leurs qualités morales, l’aisance de leur comportement relationnel, me font penser qu’ils sont très probablement en meilleure santé mentale que moi même ou que la plupart des personnes considérées comme normales.

I-3.a) Expérience de dégagement d’angoisse :

A titre d’exemple , illustrant particulièrement bien ces problèmes de transfert, le vécu suivant rapporté par un membre de la Commission :

« … Un soir, vers 23 heures, on sonne a ma porte et je vois devant moi un ancien collègue de travail, que je rencontre maintenant une ou deux fois par an. Je suis assez surpris, car il ne m’avait pas prévenu de sa visite, et une très forte angoisse émanait de sa personne. Il me dit que cela faisait 4 nuits qu’il n’arrivait pas à dormir, et qu’il était au bout du rouleau, et qu’il ne savait pas ce qui allait arriver… J’étais bien embêté et encombré par cela , ne sachant que faire, et me disant :  » il n’y a qu’a moi que ces choses arrivent « ; mais ne pouvant me résoudre à le renvoyer ( non assistance a personne en danger !). J’ai donc prévenu l’épouse qui était dans la panique, que je ne coucherai pas avec elle ce soir, et que nous dormirions, mon camarade et moi, dans une pièce où il y avait un lit d’une place et un canapé.

Nous nous sommes installés chacun sur notre couche, et il a longuement parlé… Ce devait être vers deux heures du matin quand je lui ai proposé d’éteindre la lumière, mais nous avons continué à parler, lui me racontant des tas de choses, dont je ne voyais pas bien l’enchainement avec sa situation présente. Enfin, j’étais tellement épuisé, que je lui ai proposé d’essayer de dormir. Au bout d’un quart d’heure à vingt minutes, sa respiration était régulière, et je savais ( mais je ne sais comment ) qu’il dormait enfin, et moi je n’ai pas fermé l’œil de la nuit. C’est ridicule à dire, car cela n’a pas de sens, mais j’ai passé ma nuit à me battre contre je ne sais quoi ! Le matin , quand il s’est réveillé, frais et dispos, il a pris un bon petit dejeuner, m’a donné une grande claque dans le dos en me disant :  » Salut mon vieux, à un de ces jours ! » et il est parti à son travail, et moi j’avais des cernes sous les yeux qui me descendaient au milieu des joues…Le plus terrible de l’affaire, c’est que cela m’a valu encore deux autres nuits blanches (mais sans combat)… »

Le commentaire de cet expérimentateur sur son vécu, au niveau psychologique peut être résumé ainsi :

…Nous disposons d’une structure psychique fonctionnelle analogue à celle de notre fonction digestive qui nous permet de métaboliser des expériences fortement chargées.
Cet ami a dû réveiller chez moi des perturbations analogues aux siennes, bien enfouies dans mes profondeurs. Le malaise qui m’a saisi, et la pointe d’angoisse conséquente auraient pu être plus importants, et alors je l’aurai rejeté, et il serait reparti avec une panique plus grande, car je lui aurai renvoyé ses difficultés avec les miennes en plus (cela s’appelle vomir dans le schéma digestif . En réalité, cela m’est resté sur l’estomac, comme une indigestion, et il m’a fallu trois nuits blanches pour finir par digérer cela, c’est à dire métaboliser mes propres perturbations et les siennes…
Ce camarade pour sa part, a transféré sa perturbation dans un réceptacle accueillant de ma psyché, et je l’en ai réellement débarrassé ; Il a pu retrouver ainsi son équilibre normal ou courant…

Ce commentaire éclaire d’un jour particulier les mécanismes de guérison dont nous parlerons plus loin. En effet, l’expérimentateur poursuit ainsi sa déclaration :

« … Nous ne pouvons  » prendre  » la perturbation de l’autre que si nous savons la digérer… Les attitudes de défense sont très simples : soit s’enfuir, soit regarder l’autre avec des  » yeux d’entomologiste « , c’est à dire comme quelqu’un d’étranger, que l’on regarde vivre sa souffrance, comme on regarderait des fourmis ou des abeilles operer. Cela , c’est l’équivalent « lèvres et dents serrées » devant cette drôle de nourriture, soit se laisser aller à avaler la perturbation, et alors trois cas se présentent :

a) le rejet violent avec en plus notre perturbation personnelle renvoyée ( tu es fou ! ca ne va pas ! etc…) qui correspond au vomissement ;
b) l’indigestion, où l’on garde cela sur l’estomac, et il y a malaise jusqu’a la métabolisation…
c) la digestion pure et simple, qui fait qu’il y a accueil et dégagement de l’autre, sans que l’on puisse même s’en apercevoir, tellement cela est « naturel »… »

I-4) Etats de disparition ou d’absence :

« …Quand j’étais enfant et que je jouais à cache-cache, j’avais trouvé un truc qui faisait que mes camarades de jeu ne me trouvaient pas. Ils passaient à côté de moi tout en me cherchant avec attention, sans me voir. Je pouvais aussi me rendre invisible aux yeux des autres…
Plus tard, j’ai utilisé cet état pour m’approcher très près d’animaux sauvages, et rester ainsi à quelques mètres d’eux ( lièvres, biches, cerfs,etc..) à les regarder vivre et évoluer sans qu’ils détectent en aucune façon ma présence… Alors que si j’arrive comme tout le monde, dans mon état normal, je suis repéré à plusieurs centaines de mètres et ces animaux s’enfuient… »

I-5) Expériences du type hallucinatoire :

C’est un genre d’expérience relativement fréquent vu le nombre important de rapports enregistrés dans la Commission. Les expériences par ordre de fréquence croissante sont centrées sur l’olfaction,l’audition, et enfin la vision.
Nous n’illustrerons ce type d’expérience que dans le domaine de la vision, fonction qui est nettement plus développée dans notre culture, et qui nous permettra de mieux saisir et exprimer les nuances.
Tout d’abord, il s’agit de phénomènes qui pourraient être classés médicalement sous le terme  » hallucinose « , c’est a dire que l’expérimentateur qui « voit » devant lui des « êtres ou des objets », les identifie comme un phénomène anormal au moment de leur survenue, c’est à dire qu’il y a chez l’expérimentateur en même temps ou très peu de temps après, conscience de l’existence du monde courant ordinaire.
Nous n’exploiterons pas ici les « visions » de formes « lumineuses », « irradiantes », « êtres de lumière », « anges »,etc…, qui toutes en général, relèvent du domaine du « spirituel », en ce sens qu’elles sont toutes accompagnées de sensations/sentiments de haute valeur morales, ayant des répercussions flagrantes sur le comportement des expérimentateurs, dans une adaptation à la vie ordinaire courante, pleine de compréhension et de sentiments d’amour pour tous les êtres, sans exception.
La caractéristique principale des expériences réside dans la très forte charge dans le domaine des affects,et ces charges émotionnelles contiennent des éléments « énergétiques » colossaux.

Dans ce domaine en effet, l’éducation prônée dans notre culture, ne nous apprend pas à reconnaitre, apprivoiser et contrôler ces  » très fortes charges énergétiques », et cela est très facilement vérifiable pour les domaines courants, connus de tous, comme la peur, la colère, l’anxiété, l’angoisse, la dépression, les attaques de panique, etc…. Il en est de même pour la compréhension « vécue » du mécanisme de fonctionnement de notre conscience …
Alors que dans les domaines scientifiques et techniques, et là l’ingénieur que je suis peut en parler en connaissance de cause, il y aura transmission d’un énorme bagage de savoirs et de « savoir-faire » tout à fait extraordinaire, tant par son raffinement que par son adéquation opératoire, tandis que pour le b-a, ba du monde du sujet, pour ce qui va conditionner son bonheur, sa joie de vivre,etc..,chacun se débrouille tout seul, et que dans ce domaine c’est « chacun pour soi et Dieu pour tous… »
Il y a lieu de noter que ce « monde du sujet » n’est toujours abordé dans notre culture que par sa facette de perturbation, qui oblige à l’examiner uniquement que parce que notre vie devient impossible à vivre,alors qu’il pourrait être abordé de facon plus positive, dans un sens d’épanouissement de la personne.
Le rapport suivant permet de se rendre compte de la complexité du monde abordé :

I-5.a) Expérience de tentative de maitrise d’une  » vision  » :

… Je suis seul chez moi en train de vaquer à mes occupations habituelles, et soudain en passant devant la porte de ma chambre à coucher, je vois dans la pénombre une forme humaine debout à la tête de mon lit ; je reviens sur mes pas pour m’assurer qu’il s’agit d’une illusion, et à ma grande peur, il y a bien une personne que je n’identifie pas , debout a la tête de mon lit a ma droite. La première pensée qui me vient a l’esprit, c’est qu’il s’agit d’une hallucination visuelle, et alors j’utilise la procédure déja mise au point… Je ferme les yeux et tout disparait, la chambre et l’homme, alors que si c’était une hallucination, je verrais probablement toujours la forme persister les yeux fermés. Je les rouvre, et l’image première reste stable. Je la reprend encore 2 ou 3 fois, car dans certains cas l’image  » anormale  » vue peut disparaitre, mais dans ce cas tout reste identique… Alors je commence a utiliser le critère de la vision binoculaire, c’est à dire suivre le déplacement de l’objet dans le champ de vision ordinaire, en fermant un oeil puis l’autre, et l’homme inconnu se positionne en parfaite cohérence avec le reste des objets… La peur commence à me saisir, et j’ai envie de m’enfuir : Est-ce un ami ou un ennemi ? Je finis par pencher vers la solution suivante : il s’agit d’une hallucination visuelle et je vais alors me le démontrer en passant mon bras au travers, et ainsi j’aurai la preuve qu’il s’agit bien d’une construction immatérielle.

J’arrive a vaincre ma crainte, et tout d’un coup ma décision est prise, et cela part comme si ça sortait de mon ventre…Je me précipite vers cet homme, et je balance mon bras droit à l’horizontale pour balayer l’espace au travers de cette « forme humaine », sùr de ce qui va se passer, c’est a dire que mon bras va traverser cela comme dans du vide…
Ma main arrive au niveau de l’épaule et claquement l’arrête en plein élan. Je suis stupéfait, elle s’est arrêtée contre un « vrai » bras en cohérence avec ma vision…
Je commence à avoir très peur, et n’ose regarder son visage; Je saisis ses deux poignets avec mes mains pour les immobiliser, et l’empêcher de me faire du mal… »

Cette expérience illustre très bien l’énorme difficulté qui se présente pour aborder le contrôle de ce « Monde du Semblable » (‘Alam al’ Mithal) si bien décrit par les mystiques, et en particulier dans la mystique Soufi, par Sohrawardi.

II – PROBLEMES POSES PAR LA FONCTION « GUERISSEUR « 

De nombreux cas ont été exposés dans la Commission sur cette fonction thérapeutique très bizarre, qui n’entre pas dans le cadre des connaissances de la médecine courante.
Les caractéristiques de cette fonction sont en général fournies et expliquées par une « croyance » du type religieux et de nombreux guérisseurs avaient le « don » transmis par leurs
ascendants soit qu’ils « savaient cela » dès leur jeune âge…

Pour d’autres, bien moins nombreux, ces phénomènes étaient apparus de façon inopinée, comme si cela « leur était tombé sur la tête » à un moment donné de leur vie, et très souvent hors de leur champ d’intérêt courant.
Nous allons expliciter quelques unes de ces expériences qui vont nous permettre d’explorer ce champ peu commun. Nous nous attacherons, car les préjugés sont beaucoup plus réduits, au cas d’expérimentateurs qui brusquement se mettent à soigner sans bien comprendre les gestes qu’ils accomplissent, mais qui s’avèrent être particulièrement justes et efficaces. Les maux de tête de quelque type que ce soit ( migraines, migraines ophtalmiques, douleurs consécutives a un zona facial, etc…) périarthrites scapulo-humérales, maux de ventre, de dos, etc… tout cela disparaissait en quelques minutes, même si ces déséquilibres étaient chroniques ( 6 mois, 1 an, 5 ans ou 15 ans ! ).

Un des mécanismes explicatifs de ces phénomènes pourrait être la suggestion du guérisseur, ou l’auto-suggestion du patient, entrant dans la catégorie des maladies ou perturbations d’ordre psycho-somatiques, mettant en cause des caractères du type « hypnotique » ou « hystérique », passablement bien travaillés depuis le début de notre siècle.
On peut aussi penser à des mécanismes  » d’anesthésie » de la douleur ( par création d’endorphines, par exemple).
Nous allons citer deux rapports de transfert de perturbation patient/expérimentateur, qui permettront dans notre troisième chapitre, de tenter d’avoir une meilleure idée des
mécanismes mis en jeu dans ces phénomènes.

II-1) Expérience de suppression et transfert de maux de tête

« … « J’enlevais » les maux de tête avec beaucoup de facilité, et j’ai du rencontrer 1 ou 2 échecs sur au moins 200 cas…

Ce qui m’a frappé au bout d’un certain temps, c’est qu’après avoir opéré, je me trouvais avoir moi-même un mal de tête identique à celui du patient, qui passait au bout d’une heure ou deux… Je me disais que je devais m’auto-suggestionner, car en effet, les patients m’informaient de l’endroit où ils avaient mal à leur tête, et c’est vrai qu’au moment d’opèrer, je sentais légèrement cette douleur qui après s’amplifiait un peu.

Un jour , une collègue de travail me demande si elle pouvait apprendre à faire cela, car son mari était souvent sujet aux maux de tête… Je lui ai dit que c’était à la portée de tout le monde, et je suis allé dans son bureau pour lui montrer comment j’opérais. J’ai fait la démonstration sur elle, tout en la commentant, et à un moment j’ai senti sous mon pouce le signal du dégagement habituel d’un mal de tête… Je lui ai alors demandé si elle avait mal à la tête, et elle m’a dit : absolument pas ! et je suis alors retourné dans mon bureau une centaine de mètres plus loin…

Au moment d’introduire la clé dans la serrure de ma porte, je sens brutalement une barre en travers sur le milieu du crâne, et furieux contre la collègue (car à cette époque je pouvais m’éviter cela en me passant tout de suite après les avant-bras sous l’eau froide) Je retourne a son bureau pour la tancer vertement. j’entre dans son bureau en colère, et je l’interpelle en lui montrant la barre sur mon crâne, et elle me dit: excuse moi, mais j’ai complètement oublié ! Cela m’arrive une ou deux fois par an d’avoir ce genre de mal de tête très violent, et je l’ai eu hier et c’était parti en prenant deux ou trois comprimés d’Optalidon, et je t’assure ne plus y avoir pensé quand tu m’as interrogé…Il est bien clair dans cette expérience, que je ne pouvais pas m’auto-suggestionner puisque je n’était pas conscient de son mal de tête… »

II-2) Expérience de suppression et transfert d’eczéma

« … J’ai reçu d’un paysan de province croisé par hasard dans un café parisien, un cahier de formules pour guérir toutes sortes de maladies de bêtes et de personnes, qui consistait pour chacune des maladies à exécuter un rituel de gestes et de paroles sans beaucoup de sens . Ces formules s’appellent dans les campagnes  » pansements « . J’ai eu à utiliser un pansement pour un eczéma qui couvrait tout le corps d’une jeune femme depuis sept ans, et qui avait épuisé les ressources médicales et même de guérisseurs. J’avoue n’y avoir pas trop cru, car les formules étaient,disons le mot,  » débiles « … et tout cela me paraissait un peu fou.

N’empêche que 2 à 3 semaines après, l’eczéma de cette personne était parti (J’ai pu constater la netteté de sa peau ) mais moi, je me retrouvais avec trois taches d’eczéma sur la poitrine, et j’ai su alors ce que pouvait être le calvaire de cette jeune femme, moi qui n’avais jamais rien eu de ce genre.C’est réellement insupportable. On a envie de s’arracher la peau !!… »

Nous avons là un exemple type d’un transfert d’ordre physiologique, et cela pose quand même problème …

II-3) Expérience de suppression de maux de dents

« …Je soignais souvent les maux de dents le vendredi,car il est très difficile de trouver son dentiste travaillant en fin de semaine.
Notons que la bouche est très chargée d’affects et que la perspective de vivre une rage de dents ou d’aller chez le dentiste de service ou à l’hôpital n’est pas du goût de tout un chacun.
Un midi, l’on conduit chez moi une jeune femme qui avait un bel abcès qui lui faisait une grosse « chique » à la joue, et horriblement souffrir.Ses camarades ne pouvaient la laisser seule puisque c’était l’heure du repas…
Depuis le matin on lui avait « seriné » mes talents, mais elle disait que ca ne marcherait pas parcequ’elle n’y croyait pas.
Je lui ai dit que moi-même je n’y croyais pas, dans le sens que je ne comprenais rien à ce qui se passait, mais que l’expérience montrait un réel soulagement. Alors , ca ne coutait pas grand chose d’essayer…
Elle m’a demandé ce que j’allais lui faire, et je lui ai dit que j’allais l’assoir sur une chaise, lui demander d’ouvrir la bouche et que je poserai une fraction de seconde mon index sur la dent incriminée, et que je ne lui ferai en aucun cas du mal.Pour l’instant, j’allais me laver les mains, et je la retrouverai dans son bureau.
Ce qui fut fait, et quand j’ai posé mon doigt au bon endroit dans sa bouche, cela a fait  » spling  » et je savais que c’était terminé. Elle avait ainsi deux à trois jours de répit pour aller se faire soigner chez son dentiste …
Je vous passe la surprise de la patiente qui n’en revenait pas en se tâtant la joue et la mâchoire, et comme il y avait plusieurs femmes dans le bureau, j’ai un peu  » roulé les mécaniques » et me suis dirigé vers les lavabos pour me laver.
Juste en entrant dans les toilettes, un collègue en sort et dit avec un air de dégout en me voyant : » berk ! » Comment peux tu faire cela ? J’ai alors suivi son regard qui était dirigé vers ma main droite, les avant-bras étaient nus, les manches retroussées et j’ai vu, c’est a dire pris conscience de la salive et du pus sur mon index qui dégoulinait vers ma paume.
J’ai mis un certain temps à réaliser que c’était dégoutant, dans le sens que cette sensation/sentiment m’est advenu presque au ralenti, et pourtant je voyais bien le pus et la salive, et quand je me suis lavé les mains, j’avais très nettement cette impression de dégout…
Cela m’a fait penser qu’avant la remarque de mon collègue, le pus et la salive sur ma main ne m’étaient pas étrangers; c’était comme s’ils étaient miens… »

Nous voyons dans ce rapport se profiler la notion d’état du guérisseur, qui va nous introduire ainsi à la tentative d’explication des phénomènes décrits.
Une dernière observation faite sur l’ensemble des guérisseurs approchés, tant dans la Commission qu’au dehors, consiste en ce fait que tous , sans exception, ( qu’ils soient aussi chamans de diverses Traditions : Afrique, Tibet, Indiens d’Amérique, etc…) se disent « canaux », « intermédiaires », « intercesseurs », de la « Puissance agissante  » quelle qu’elle soit !

III- TENTATIVE D’EXPLICATION DES MECANISMES MIS EN JEU

A partir des matériaux sélectionnés dans les expériences transpersonnelles relevant du cadre de lecture du type psychologique et celle des guérisseurs, nous pouvons , avec toutes les précautions d’usage dans ce domaine délicat, tenter de formuler un certain nombre d’hypothèses explicatives.

Afin d’introduire la notion d’état de conscience d’être, nous allons faire appel a des observations rapportant des états labiles du Moi, tels qu’observés au début de ce siècle par beaucoup d’ethnographes (2) qui décrivent de nombreux états, tels que « latah » chez les Malais, ou « olon » chez les Toungouses, par exemple.

Dans ces états, l’indigène perd durant des périodes plus ou moins longues et à des degrés divers, l’unité de sa propre personne et l’autonomie de son Moi, et par voie de conséquence, le contrôle de ses actes.

Ces états apparaissent à l’occasion d’une émotion forte ou d’une surprise violente. Cet état est répertorié dans notre système par l’échokinésie ou l’écholalie ; l’individu placé dans cet état, va être exposé à toutes les suggestions possibles se présentant à lui au moment du passage, et s’identifier à l’être ou aux choses, qu’il s’efforce d’imiter passivement.
Ceci conduit par exemple, à un jeu de société dans lequel le groupe décide de faire entrer une personne à son insu dans cet état, pour « l’oloniser » à table devant un partenaire, qui va faire semblant de se remplir la bouche de mil à grande cadence, de telle sorte que l’autre, qui imite tous ses gestes, réellement, va s’étrangler et s’étouffer , à la grande joie de groupe.

Nous ne pouvons faire mieux que de citer ici l’analyse de l’état « Olon » faite par Ernesto de Martino (3) dans son ouvrage  » Il Mondo Magico  » publié en 1948 .

« …Tout se passe comme si une présence fragile, non assurée, labile, ne résistait pas au choc que produit tel contenu émotionnant, ne trouvait pas assez d’énergie pour se maintenir face à celui ci, en le récupérant, en le désignant et en le maitrisant au sein d’un réseau de rapports
définis. De la sorte, le contenu est perdu en tant que contenu d’une conscience présente. La présence tend à rester polarisée sur un certain contenu ; elle ne parvient pas à aller au-delà, et par conséquent, elle disparait et elle abdique en tant que présence. La distinction s’écroule entre la présence et le monde qui se rend présent (3b) : au lieu d’entendre et de voir le bruissement des feuilles , le sujet devient un arbre dont les feuilles s’agitent au vent; au lieu d’entendre un mot, il devient le mot qu’il entend, etc…Par carence de toute fonction discriminante, le contenu de la présence manque de toute discrimination interne, c’est une représentation qui de peut s’empêcher de devenir un acte (3b)… »

Nous devons noter ici que ces mécanismes existent aussi en nous, même dans notre culture, où la consolidation d’un Moi bien structuré par le monde des objets est la règle courante. Mais qui n’a souvenir de ces jeux d’enfants où l’on se cache pour faire peur à l’autre, en surgissant brutalement de derrière une porte ou de l’ombre…Qui de nous ne se souvient de cet arrêt de la conscience du monde, en état d’inspiration bloquée, qui très rapidement se résolvait par la reprise du cours des choses, avec le « Ouf! tu m’as fait peur… »
Qui de nous n’a vu malheureusement  » l’état second  » des personnes prises dans des accidents de la circulation, ou dans les films réalisés lors de catastrophes naturelles majeures comme un tremblement de terre, et où, dans l’incapacité où elles sont à assumer consciemment la tragédie qui est arrivée aux êtres qui leur sont chers, errent tels des automates les yeux hagards, sans conscience des risques mortels qu’elles prennent…
Enfin, nous allons utiliser les distinctions courantes de pur/impur ou propre/sale, pour montrer un des outils culturel de construction ou de mise en forme des individus dans un groupe.
Nous voulons montrer par là, de façon simple, comment la « Loi » est inscrite , gravée dans nos automatismes de base, tels que la respiration, la digestion,etc…

Nous allons illustrer cela sous forme d’un jeu de société, que tout le monde peut réaliser aisément.
A une fin de repas avec des amis, vous pouvez annoncer un jeu qui consiste a remplir des verres d’eau, et après les plaisanteries courantes du type :  » Moi je ne bois que du champagne, l’eau c’est pour les grenouilles,etc… », l’expérience peut avoir lieu. Vous demandez a chacun de boire une gorgée d’eau, ce qui est fait. La suite du jeu demande que chacun prenne une gorgée d’eau , la garde dans sa bouche, et sur commande la recrache dans son verre… Déjà à ce stade on peut observer des réactions de rejet avec des remarques du genre : »C’est dégoutant, etc… » Quelques amis vont se retirer du jeu, mais d’autres piqués au vif vont exécuter cette règle…Le jeu se poursuit en reprenant une gorgée d’eau dans son verre et de la recracher dedans, et rares sont ceux qui vont tenir à 3 ou 4 opérations successives. Vous pouvez ainsi obtenir de vrais « haut le coeur », avec de sérieux risques de vomissements…
L’analyse de cette expérience est simple : la salive dans la bouche n’est pas dégoutante, elle ne le devient que quand elle est dehors. Donc la distinction dedans/dehors permettant entre autres choses de localiser son corps, est constituée par un ensemble de règles analogues culturelles, comme propre/sale, pur/impur, etc…qui vont régir nos comportements ritualisés et les rendre évidemment normaux, naturels,…

C’est cela l’inscription de la « Loi » dans le corps, et toute modification à ce niveau, va se répercuter en un vécu très traumatisant, analogue à un vécu de mort… Notons que la « Loi » est absolument indispensable pour l’inscription de l’individu dans le monde courant…

Cela se retrouve très bien dans toutes les traditions initiatiques, où l’on demande à l’adepte, ou au profane, de mourir symboliquement… Néanmoins la mort symbolique à ce niveau, est vécue dans un dérèglement des automatismes qui est particulièrement traumatisant…

Ces distinctions constitutives de l’individu comme propre/sale, sont loin d’être un simple jeu. Qui de nous n’a embrassé sur la bouche l’être aimé avec un plaisir extrême, et le mélange des salives s’est fait. Dans ce cas , il n’y a plus de distance avec l’autre, qui est réellement « introjecté », qui fait partie de soi-même…Alors qu’à contrario, si je vous promène le long des quais de la Seine, et que je repère un clochard particulièrement peu ragoûtant, et que je vous dise : « Embrasse- le sur la bouche ! », je peux facilement présumer du rejet avec une réelle contraction du diaphragme, si vous jouez réellement le jeu d’imaginer l’acte en question…

Revenons maintenant aux expériences du type hallucinatoire. Nous avons vu que le monde de la « réalité » et celui de « l’irréalité » commençaient à se brouiller, et cela est sans conteste source d’ennuis, car nous n’avons pas de modèles explicatifs à ces vécus très chargés d’affects puissants… Il s’établit une sorte de dissociation entre ce qui est perçu et les éléments définissants la personne insérée dans le réseau courant, trivial, des relations ordinaires, stabilisées, habituelles et prévisibles…

L’imaginaire va alors fonctionner dans ses plus mauvaises conditions pour tenter de maitriser ces « choses bizarres » qui souvent ne sont pas particulièrement agréables à vivre , et qui pourtant jouent un role protecteur devant la fascination de cet « Etrange Monde » . En effet, on peut aussi avoir des visions ou auditions très agréables, mais cela est moins fréquent de façon inopinée, et n’arrive qu’avec une discipline stricte dans une des Voies Traditionnelles…
Mentionnons ici la phrase d’un expérimentateur :
« …A charge égale, si cela avait été le paradis d’Allah, probablement cela aurait été imparable, et j’y serai resté, et me serai sûrement retrouvé à Charenton… »
Nous avons bien là, dans le terme « resté », la signature de l’évacuation du Monde du vécu ordinaire quotidien.
Ce qui est remarquable dans l’analyse des récits des expérimentateurs, surtout quand les « visions » sont désagréables, c’est que l’on voit bien à l’oeuvre le mécanisme bien connu de la  » projection du refoulé  » et souvent comme les formes projetées sont terrifiantes et agressives, ils signalent que la peur qui les étreint au départ, les conduisent pour se défendre à attaquer la « forme », car ils ne peuvent pas fuir, et alors la « forme » à son tour attaque à ce moment ; Au bout d’un certain temps, quand on se trouve dans l’incapacité de se battre, par épuisement, l’expérimentateur baisse les bras et se laisse aller, s’abandonne, et alors à sa grande surprise la « chose » cesse d’agresser , » cà n’attaque plus »…
Si l’expérimentateur poursuit, il finit par s’apercevoir que les « formes » terrifiantes et agressives évoluent, changent d’allure, et finissent par se transformer en « choses » beaucoup plus acceptables…
Il peut aussi se rendre compte, que dans cet état, c’est bien lui qui construit le monde auquel il fait face, et qu’en définitive, il peut voir ce qu’il veut voir, et entendre ce qu’il veut entendre…
Nous retrouvons dans ces « formes terrifiantes » le fameux « gardien du seuil » mentionné dans les Traditions variées, et qui ne serait probablement que la projection du refoulé, refoulé qui contribue efficacement en grande partie à la constitution de notre conscience.
Dans ces conditions, les caractéristiques de l’expérimentateur sont telles, qu’il ne dispose plus d’un oeil, mais de la fonction vision; qu’il n’a plus une oreille , mais la fonction audition.
Ainsi, de nombreux phénomènes bizarres, du type para psychologique, concernant les sorciers, et rapportés par les ethnographes, comme ceux de la vision ou de l’audition à distance, nous paraissent être des caractéristiques de ces fonctions , que nous avons tous en nous. Ce sont des phénomènes sur lesquels nous n’avons aucune prise directe dans notre champ ordinaire de conscience, et qui traduisent un changement de plan de conscience, consécutif à la sortie du système spacio-temporel dans lequel notre conscience ordinaire est inscrite.
Dans le même ordre d’idées, les caractéristiques des phénomènes de guérison mentionnées précédemment peuvent apparaitre sous un éclairage plus simple.
En effet, l’exemple choisi pour la suppression des maux de dents fait apparaitre que la distance patient/guérisseur diminue et s’estompe de façon particulièrement critique, pour l’équilibre ordinaire de l’égo du guérisseur.
L’état dans lequel le guérisseur se trouve, peut être décrit dans notre système courant par un terme du genre « fusionnel », et selon toute probabilité, c’est dans cet état que des opérations bizarres et peu courantes se produisent, comme mentionné dans les exemples de transferts d’ordre physiologique .
Enfin, pour terminer avec ces phénomènes , il nous faut faire une observation qui nous parait très importante, et qui éclaire un peu la forme de « l’idéologie »(4) sous tendant l’action de pratiquement tous les guérisseurs, chamans,etc… de quelque culture que ce soit, et qui est la notion de « tiers terme ». Nous avons mentionné précédemment la notion de « canal d’une Puissance », à partir de laquelle opère le guérisseur. Nous voyons ainsi apparaître une structuration dans la conscience de la personne du guérisseur, en relation avec son patient, que nous appellerons « Structure transitive », et qui est parfaitement adaptée au régime particulier de sa relation de type « fusionnelle » décrite précédemment.
En effet, et cela est particulièrement efficace pour l’état spécifique du guérisseur, qui n’est plus alors en régime de relation bijective avec son patient (distance sujet/objet s’estompant) et dans ce cas avec des risques de transferts importants : La présence d’un élément tiers, comportant la « Puissance active », établit un régime de transmission qui déconnecte le réseau serré du « Fusionnel » et met ainsi le guérisseur en protection relative, face aux phénomènes de transferts décrits.
La « Puissance »,aux attributs indéfinissables, prendra les noms variés du système culturel dans lequel baigne le guérisseur : Energie Cosmique pour le Zen, le Grand Wakatanka pour les Indiens Lakota, le Dieu d’Israèl, le Bouddha, et les différents Messies : Moïse, Le Christ, Mahomet,etc…
En formulant ceci, nous souhaitons bien préciser qu’il n’y a de notre part, aucun jugement de valeur pour ces structures religieuses, et pour lesquelles nous avons un profond respect.
Nous enregistrons cette similitude de structure protectrice dans l’état opératoire particulier du guérisseur (du type fusionnel) et qui doit le proteger du transfert de perturbations.
Par ailleurs, au niveau purement psychologique, cette « structure transitive » permet d’éviter l’inflation du Moi du guérisseur, et les risques de mise en oeuvre de sa volonté de puissance objectivée, en neutralisant son égo consécutivement à sa position de « canal » passif. Le piège mentionné, est hélas tout à fait banal, et signe par là, l’échec de l’évolution de la conscience au niveau transpersonnel, et très probablement la perte de l’efficacité thérapeutique.
Pour conclure sur ce domaine du « guérissage », qui mieux qu’Henri MILLER (5) a pu exprimer l’art du guérisseur aussi succinctement et de façon si précise, dans son commentaire sur sa position de psychanalyste pour son ami le docteur Kronsky :
« …L’idée se fit jour en moi que l’art du guérisseur n’était pas du tout ce qu’imaginent les gens, que c’était une chose toute simple, trop simple en fait, pour ne pas échapper aux esprits ordinaires. Pour traduire la chose aussi simplement qu’elle me vint, je dirais que, en gros : N’importe qui peut devenir guérisseur, du moment qu’il ne pense plus à lui même… »
Pour terminer avec les hypothèses explicatives, nous avons parlé de la notion  » d’énergie « ,qui est pour l’ingénieur, dans ce domaine, très complexe.
Nous n’allons pas aborder un développement poussé de cette notion très bien étudiée dans le domaine du psychique par la psychanalyse, Jungienne en particulier.
Nous voulons faire simplement remarquer le vécu ordinaire, courant, que tout le monde fait en se réveillant le matin et en utilisant des termes comme :  » Je suis gonflé a bloc ! Je suis épuisé, dégonflé ! Je suis déprimé !, etc… »

Ces termes traduisent un tonus psycho-moteur, qui se répercute dans notre sensation d’être et dans nos actes quotidiens. Tout le monde connait la réaction particulière et l’état dans lequel il se trouve à la suite d’une violente émotion… Surcharge énergétique ou déplétion… Il suffit de voir le comportement d’une personne, qui plantant un clou dans un mur , se donne un bon coup de marteau sur le pouce…La charge est telle qu’il va falloir trouver n’importe quel motif justificatif pour laisser exploser son energie…

Qui n’a réagit par rapport à son chien, qui vous voyant souffrir, selon toute probabilité, vient vous manifester sa sollicitude, et qui recevra un bon coup de pied accompagné du « toujours dans mes jambes celui-là !! »
Nous avons ici, de façon caricaturale,à partir d’une « charge énergétique », le mécanisme du passage à l’acte, justifié par une représentation apparemment cohérente…

Pour éclairer quelque peu ce problème, nous extrayons un passage d’échange de courrier entre deux membres de la Commission sur ce point :

« …Pour ma part, je trouve que c’est un problème extrêmement difficile à maîtriser, et il faut une très longue pratique du contrôle de ses pensées pour pouvoir l’obtenir, et assurer ainsi, comme tu le dis avec pertinence, son équilibre mental, social, et affectif !!

L’expérience que j’en ai (difficulté de controle de la pensée ) m’a montré que l’Energie était pilotée par la pensée, et qu’ainsi on pouvait la localiser en particulier sur différentes parties de son corps, et que cela était très dangereux pour nos fonctions physiologiques…

C’est comme cela, qu’il y a quelques mois, en voulant me discipliner en technique Zen ( en suivant l’enseignement d’une guérisseuse Hawaïenne Zen), Je me suis flanqué un « pyrosis »(6) de derrière les fagots (et j’ai bien cru durant une dizaine de jours que j’allais avoir un bon ulcère d’estomac ) et comme je n’avais pas compris la leçon, je me suis payé au niveau du périnée, une « proctalgie nocturne fugace »(7), qui est quelque chose de bien affolant…

Le résultat de tout cela, c’est que j’ai arrêté de débloquer, et de faire la méditation journalière centrée sur la respiration dans le Hara, et que j’ai compris comment on peut se faire consciemment ou inconsciemment des dégâts physiques et physiologiques, cancers, etc… et j’en passe…En effet, les choses sont chez moi un peu a l’envers, l’énergie s’étant mobilisée, sans entrainement discipliné ; c’est comme si, maintenant, j’apprenais à passer mon permis de conduire sur une Formule Un, et cela c’est fichtrement dangereux, et il vaut mieux apprendre cela sur un véhicule ordinaire… »

IV – EXPERIENCES TRANSPERSONNELLES RELEVANT DU DOMAINE SPIRITUEL

Ces expériences sont obtenues en général par des personnes à la suite d’un long travail de recherche sur elles-mêmes ou d’un parcours dans une des Voies Traditionnelles. Elles sont le signe d’une évolution de la conscience de l’individu, qui se traduit presque toujours de façon objective par un comportement envers le monde environnant plein d’Amour et de Compassion…

Afin de bien montrer l’articulation du « psychologique au spirituel » nous commencerons par une dramatique expérience de chute du domaine spirituel.

IV-1) Expérience de chute du domaine spirituel

« …C. a travaillé longuement à la méditation yoga et au bout de nombreuses années, elle a senti monter en elle les divers plans de conscience. De confession catholique, elle étudiait aussi la mystique Chrétienne ( Maître Eckhard ) . Elle était bien installée dans son Hara, et était arrivée au stade de la joie simple, présente dit elle, à 100%, dans l’instant. Elle avait Jésus au coeur.
Du point de vue de sa vie professionnelle et vie familiale tout était parfait. Elle servait de source énergétique et rayonnante aux collègues de travail ainsi qu’a son entourage familial.
Un jour , elle fait à l’étranger une méditation centrée sur le nom du Christ, et elle entre dans une extase indescriptible.
Elle a recommencé deux mois plus tard une méditation centrée sur le foie, et après cela, durant une nuit terrible, elle a senti son énergie se perdre, son corps se dissoudre, avec une fièvre énorme, avec une sensation de brûler intérieurement. Elle a alors vu défiler devant elle sa vie sous forme de faute. Elle dit :  » je me suis couchée innocente et je me suis relevée coupable !  »

Ensuite, elle subit une vie dramatique, douloureuse, vidée de sa vie spirituelle, avec plusieurs séjours en psychiatrie, etc… Elle a des cauchemars toutes les nuits, dans lesquels elle étouffe comme si on l’enterrait…
Elle dit encore, qu’elle avait un Maître Intérieur et maintenant elle n’a plus d’intériorité ; elle vivait dans son corps au niveau subtil, et elle est maintenant descendue dans son corps grossier…
Il faut ici réaliser la terrible épreuve que peut représenter cette chute des « Cîmes exaltantes » (8)…
Il faut avoir un peu approché ce genre de vécu pour savoir qu’il s’agit d’une chose épouvantable, et l’on peut dire, que ceux qui ont eu la malchance d’aborder ce monde par son versant de terreur et d’épouvante, sont en quelque sorte immunisés contre cet accident, qui est automatiquement relativisé.
C… est depuis plus de deux ans dans le deuil non réalisé et l’affliction…
Nous voyons ici à l’oeuvre, un méchant piège de la vie spirituelle, dans lequel l’acceptation de la vie ordinaire, courante, avec ses vicissitudes et ses joies simples n’a pas été réalisé…

Je ne peux que citer une phrase d’une participante à cette réunion, sur ce sujet :
« …J’ai donné toute ma sève à la fleur, et mes racines se sont desséchées, et la fleur a flétri …(Geneviève 1942)
Voici sur le mode descriptif de la poésie, conté à la 3ème personne du singulier, un vécu dans lequel la chute est récupérée, et conduit alors au quotidien « quotidien qui n’avait plus rien des qualificatifs péjoratifs qu’on a parfois coutume de lui associer ». Ce quotidien « sacralisé » est infiniment riche et varié, merveille d’une conscience de la présence au monde dans l’instant…

IV-2) Expérience de chute récupérée

« …Il arrivait enfin ce qu’il sentait venir depuis des années, lorsqu’il se vivait encore comme divisé, incomplet : Il s’était retrouvé dans la totalité de son être : il était enfin habité par son âme.

Et cette « chose » était établie maintenant confortablement dans sa maison, lui prodiguait bien des grâces, bien des suaves caresses: c’était comme si elle pansait et guérissait maintes et maintes plaies anciennes qui n’avaient pas encore pu se fermer tant la vie rude et acérée passait et repassait dessus sans cesse..

Mais alors soudain, sans qu’aucun présage ne se fut annoncé, les souffrances du passé ressurgirent de dessous le manteau protecteur, avec une violence extrême et avec encore beaucoup plus de virulence qu’elles n’en avaient eu en leur temps: les maux se ravivaient sous la cendre et le transportaient sur le moment, plusieurs décennies en arrière: Il se demande alors s’il de s’était pas complètement fourvoyé, s’il ne se croyait libéré, détaché apaisé, que sous le couvert d’une incroyable chimère : le volcan qu’il croyait éteint se remettait tout à coup à cracher son feu dévorant sur les versants ensoleillés de sa béatitude ; il touchait le fond de sa propre angoisse en même temps qu’il lui semblait porter sur ses frêles épaules toute la misère du monde : le malheur, la malédiction, s’emparaient de lui et lui faisaient goûter, avant terme, les milles et un artifices de l’enfer .

Il en était sûr : la douce paix qui l’avait un jour ravi, et ce jour là lui semblait tellement lointain, n’était que le jeu fantasmagorique de la vie, la véritable vie, qui lui apparaissait alors comme la plus terrible des épreuves, après avoir cru, l’espace d’un soupir, en ses suprêmes délices.

Il s’était laissé berner : l’existence au coeur pur et tendre, n’était qu’une douloureuse méprise : il savait dorénavant que ses multiples et divers battements n’étaient que le pouls d’un coeur de pierre torturé par sa propre inertie.

C’est alors qu’un éclair fulgurant irradia tout à coup sa prison de ténèbres, qui se transforma en une incandescence si resplendissante, que ses yeux et son âme en auraient été consumés, s’il n’avait pu se cacher sous quelque nuages sombres qui gisaient encore là, a demi-mort, dans son ciel de lumière.

La douce présence était réapparue, orchestrant et dirigeant, au milieu d’un féérique jardin d’azur, un grandiose et prodigieux ballet de formes et de couleurs, toutes plus chatoyantes les unes que les autres, et déversant sur son âme embrasée des torrents d’une eau si céleste que son être tout entier ne fût plus qu’une mer de velours, un océan d’amour aux profondeurs abyssales.

Puis il se souvint : le doute l’avait assailli, subrepticement, le temps d’une minuscule petite pensée, et le doute lui-même lui avait révélé sa propre force vivante : ainsi, dans cet état de totale disponibilité, pensées et sentiments pouvaient venir le visiter et l’habiter, lui donnant la ferme impression d’identité avec ce qu’il restait encore de lui : un tout petit bout de « moi » , qui pouvait attraper le plaisir ou le malheur comme l’être biologique contracte une maladie.

Et il pouvait aussi prendre les autres comme cela, et l’univers tout entier ; et s’il avait à ce moment-là la moindre consistance personnelle, il souffrait le mal, il jouissait le bonheur…mais la douce présence, elle, ne bougeait jamais, ne touchait jamais à ces extrêmes : elle se contentait d’être là, d’être ferme et d’être douce ; et dans cette neutralité bienveillante, elle avait tout pouvoir sur l’intérieur et sur l’extérieur, si l’égo la laissait agir, s’il ne se mêlait pas des affaires qui ne le regardaient plus, qui ne l’avaient d’ailleurs jamais regardé… »

IV-3) Expériences énergétiques du type « Kundalini »

De nombreuses expériences de ce type , bien connues des traditions Orientales, ont été répertoriées dans la Commission, et peuvent être classées dans le cadre des expériences transpersonnelles du type spirituel, car elles conduisent très souvent à une modification de la vision de la vie de l’expérimentateur dans le sens « oblatif » .

IV-3.a) Explosion de l’énergie

« … J’étais dans mon lit en train de réciter un mantra pour l’endormissement profond, en le dirigeant vers le périnée. Au bout d’une demi heure, j’étais dans un état de grand calme, de béatitude proche du sommeil, avec une sensation de très grande lourdeur des paupières.

Alors à ma grande surprise, j’ai senti une explosion, et perçu une grande vague monter dans mon corps, qui s’est traduite par une forte sensation de chaleur au niveau des genoux et jusqu’à la taille, niveau où j’ai maitrisé la vague. Je n’ai pas eu peur, mais c’était une surprise, et je suis restée dans un grand calme,…et j’ai mis des années pour élaborer cette expérience…

Ou bien la relation d’un autre expérimentateur :

IV-3.b) Montée fulgurante de l’énergie

« … Très jeune, j’avais des montées spontanées de « Kundalini », accompagnées de bouffées de chaleur,… puis un jour, j’ai subi une montée fulgurante qui m’a fait très peur…par la suite , j’ai appris à la contrôler et à pouvoir la faire monter de chakras en chakras… »

On observera dans ces deux exemples, que la connaissance par l’expérimentateur d’éléments traditionnels, supprime dans une certaine mesure, par la dénomination du phénomène, les craintes consécutives à l’étrangeté des évènements vécus.

Une expérience analogue, mais sans support « idéologique » de la Tradition , est rendue ci dessous:

IV-.c) Montée progressive de l’Energie

« …J’ai senti une sorte de caresse pulsatoire montant du bas de ma colonne vertébrale. Cette sensation bizarre, ressentie comme si la caresse était faite légèrement en profondeur, sans toucher la peau superficiellement ( comme s’il montait un liquide mielleux), n’était pas du tout douloureuse, et grimpait par pulsations, qui n’étaient ni accordées à mes pulsations cardiaques ni à ma respiration (que j’ai retenue pour contrôler ce fait), mais un rythme plus lent encore…

…J’ai alors mis en oeuvre toute mon attention vigilante pour suivre cette « attaque » d’un genre nouveau, et assayer de me défendre. La pulsation continuait a grimper le long de ma colonne vertébrale par vagues successives… Arrivées au niveau de ma poitrine, mon coeur s’est mis alors à battre toujours à son rythme, sans aucune accélération, mais d’une façon affolante…Le volume cardiaque semblait avoir triplé dans les diastoles et se contractait au 1/3 de son volume normal lors des systoles…C’était extrêmement douloureux et la peur m’a gagné, et m’a fait penser à la rencontre sur les berges de la Seine 3 ans auparavant avec « Paco », clochard extrêmement instruit, et à qui j’osais raconter mes expériences, et qui m’avait dit que je pouvais mourir d’une crise cardiaque ,ou devenir fou, et que ce n’était pas important car mort c’était terminé, plus de problèmes, et fou c’était,

pauvres les autres qui t’aiment , car toi tu ne t’en apercevrais pas !…

…Je sentais les giclées de sang qui me soulevaient la tête, sur la colonne vertébrale et qui décollaient presque mes pieds du sol. Cela a duré un certain temps que je n’ai pu contrôler, puis l’onde est passée entre mes omoplates en direction de la nuque, et mon coeur est revenu à son volume normal, courant, avec ses sensations habituelles.

La vague est alors montée le long de l’occiput, toujours à son propre rythme pulsatoire, et quand elle a abordé le dessus de mon crâne, une commode de bois qui était placée a coté de moi à ma droite, a craqué avec violence, et l’air s’est illuminé, et la pièce est devenue pleine à craquer d’une infinité de choses inconnues, avait ses murs qui allaient exploser…

Je connaissais cela par expérience, et il ne fallait pas que l’onde submerge le dessus de ma calotte crânienne, car sinon mon monde allait chavirer…

Alors brusquement, pour bloquer le processus et ne pas basculer, j’ai utilisé la technique efficace que j’avais trouvé autrefois : j’ai soufflé par mes narines fortement, en faisant vibrer mon voile du palais (cela fait un bruit comme font les chevaux) et alors la vague a commencé à redescendre.., toujours sur son propre rythme, lentement, et au passage dans la région du coeur, il y a eu encore un leger effet de gonflement/contraction que j’ai perçu, puis tout est redescendu, et s’est finalement perdu très simplement dans la base de ma colonne vertébrale…

Je me suis enfin levé sans aucune peur, très calme, et me suis couché sans crainte… »

IV-4) Expériences de la vacuité

Les expériences de vacuité, que les diverses Traditions dénomment sous des vocables variés, Samadhi, Satori, Illumination, Nirvana, Rien,l’Inconnaissance, Shunyata, etc… sont considérées comme les prototypes de l’expérience transpersonnelle.

Nous allons commencer par citer des phrases entendues dans la Commission, au sujet d’expériences du Vide…

IV-4.a) Expérience du Vide/intensité

« …Expérience subtile, contraire à l’éclatement du Zen ; aucune peur, mais intensité ; Il n’y a rien, mais c’est très intense… »

IV-4.b) Expérience du Vide/mort

« …Un jour en faisant des exercices de respiration, je me suis abandonné dans l’expir, et j’ai eu l’impression que la mort était quelque chose de bien, et j’aurai pu mourir là en ce moment…Il n’y avait rien… »

IV-4.c) Expérience du Vide/tout

« …J’ai été aux Indes, mon Maître venait de décéder…J’ai alors vécu un sentiment de joie, de paix profonde, d’accord avec tout…Tout, coule tout seul…Je me suis arrêté au bord du Gange ; Il y avait de la brume sur l’eau…et j’ai gouté une saveur de plénitude ; j’avais conscience d’être moi-même, mais aussi d’être tout…
Le lendemain , j’étais comme avant cette expérience.

IV-4.d) Expérience du Vide/plein

 » 26 avril 1947 (9)
Lettre au Père X…: Bien souvent, j’ai regretté devant vous mon impuissance à atteindre le monde « de par derrière ». Je me sentais en vue de la Terre Promise, mais non introduite en elle. La fine pointe de l’humilité, ou de la concentration amoureuse, ou de l’esprit de don, me laissaient encore dans l’ordre de la sensibilité, d’une certaine qualité sans doute, mais sensibilité tout de même.
Il m’a semblé hier qu’il n’en était plus de même ; Je me suis sentie accordée à l’essence du réel ; une essence inconnue, un réel sans forme, et pourtant absolument authentique (10). Je ne connaissais rien, et pourtant j’avais cette paix très subtile que procurerait une évidence indiscutable (10). Quelle image utiliser ? Celle d’un Vide, si l’on veut, mais d’un Vide qui aurait qualité de plein, de chose consistante, de vérité. Celle d’une nuit, mais révélatrice de la nature des choses.
C’est comme si, jusqu’alors tendue par les nécessités intellectuelles ou pratiques, j’avais laissé s’engager dans l’ordre des phénomènes, une « intuition nue » qui maintenant, réussirait à s’exercer suivant sa véritable nature ; à être spontanément réceptive d’une essence inconcevable, et que la sensibilité n’appréhende pas adéquatement. C’est comme si tout en moi se dénouait, s’apaisait, parce que j’ai trouvé- sans du tout savoir comment- ce que je cherchais. »

IV-4.e) Expérience d’omniprésence de la vacuité

« 21 Octobre 1968 (11)
Cela a été un déclic. Son contenu pourrait s’expliciter ainsi : J’ai la maîtrise à peu près entière, au moment du recueillement, de l’identification à l’espace englobant : Je peux quand je le veux, me percevoir comme espace enveloppant tout. D’autre part, J’ai la maîtrise à peu près complète de la « touche de vacuité »: Je peux, à peu près quand je le veux, atteindre ponctuellement ce niveau de vie si pure et vive, que par rapport a lui, tout semble terne et gris. Mais, chose tout à fait surprenante, jamais je n’ai pansé à mettre d’emblée la vacuité dans une structure englobante ! Jamais je n’ai songé à l’espace vacuité ! Le déclic, ca a été cette jonction : D’emblée vivre l’expérience de vacuité en structure englobante . Alors, la vacuité est omniprésente…

…Une conséquence immédiate: le « Je » cesse d’avoir l’importance qu’il a eu de 1963 à 1968 . Le language utilisé de préférence sera donc le langage impersonnel.

Le sentiment dominant : Celui de joie vive et fine -et ample-; et celui de liberté; de liberté, comme définitive…
…La vacuité EST; cette haute qualité de conscience EST, partout, absolument, autour, dans chaque objet ou pensée. Elle est la substance inaltérable de tout. Impossible d’y échapper : impossible de la perdre !… telle est l’impression .

V- CONCLUSION

A partir des expériences mentionnées dans cet exposé, il est facile de voir que les expériences transpersonnelles présentent des aspects extrêmement variées, et que les limites de leur champ débordent largement des divers cadres de lecture courants, depuis les expériences dites paranormales ou parapsychologiques, jusqu’au domaine de la psychiatrie, au travers de ceux de la psychologie et de la psychanalyse.
L’extension de ce cadre au domaine spirituel concerne aussi les expériences rapportées par les Traditions religieuses sous leur aspect de la mystique.
Comme le mentionne le titre de ce 3 ème Congrès du Transpersonnel, ces expériences concernent bien les régions cataloguées dans les domaines du psychologique et du spirituel.

Nous ne pouvons manquer de voir à l’oeuvre dans cet exposé, un mécanisme constant de la conscience humaine, s’étendant à toute l’échelle des expériences, par exemple depuis le domaine des affres de l’alcoolique dans sa crise de « délirium trémens », et qui vit l’assaut d’une nuée d’animaux ou d’insectes venant l’attaquer, jusqu’au domaine spirituel le plus élevé, dans lequel la rencontre de la Déité ou de la Vacuité conduit à des états de félicité indescriptibles…

Ce mécanisme est celui de cette sorte de sentiment, de certitude interne, d’intime conviction, de vérité absolue, de réalité plus réelle que celle de notre champ de conscience ordinaire, et qui est irréductible à toute analyse en direct.

Nous sommes là face à « l’Inconnaissable » avec la seule différence (et elle est de taille !) que le pensionnaire de l’hopital psychiatrique vit dans la douleur et l’affliction, dans un monde d’horreur, et que, par exemple, le mystique expérimente un monde de sublime beauté…

Les répercussions de ces expériences peuvent être « objectivées » par l’observation du comportement ordinaire de ces personnes. En effet, il suffit de regarder certains « Etres de Lumière » pour s’en convaincre . Les exemples cités permettent aussi de montrer que la distinction psychologique/spirituel qui a servi de structure a l’exposé, peut à son tour se dissoudre, et que par exemple les voies d’accès au monde spirituel, que les traditions ont transmises, couvrent nécessairement, sous peine d’avortement, le règlement de nombreux problèmes d’ordre psychologiques.

A partir des expériences sur la fonction « guérisseur « , nous avons pu mettre en évidence deux facteurs rendant compte, d’une certaine façon, du problème de « l’Etat d’Etre » opératoire du guérisseur, en l’approchant de notre concept classique d’état « fusionnel » dans lequel la distance sujet/objet, fondement de notre conscience usuelle et support de notre monde trivial, ordinaire, s’estompe, se déforme et va jusqu’à disparaitre…

Le vécu habituel et la notion courante « d’Etat amoureux » peut aussi aider à se faire une idée de ce monde particulier.

Dans cet état du guérisseur, le mécanisme économique et opératoire de « l’Idéologie » du « Tiers Terme de la Puissance », ou dit autrement, de la « Structure transitive » du champ de conscience ordinaire du guérisseur face à son patient, et mis en oeuvre depuis de nombreux millénaires dans pratiquement toute les traditions de « guérisseurs », a été souligné.

Il protègerait ces derniers des transferts physiques, physiologiques et psychologiques des perturbations de leurs patients dans l’état opératoire du type « fusionnel » où ils se trouveraient.

Enfin , le bref intermède sur la notion  » d’Energie  » nous à permis de montrer que notre culture occidentale a totalement prôné le développement et la transmission du monde de l’objet au détriment de celles du monde du sujet.

Malgré nos évidents succès dans la construction matérielle de notre monde, il est difficile de ne pas enregistrer les signes évidents de déséquilibre de cette construction.

L’approche transpersonnelle permettant pour le moins , une préhension du fonctionnement de nos différents plans de conscience, pourrait peut être contribuer à un développement plus sage et plus harmonieux des hommes…

NOTES

(1)- Conférence faite au 3ème Congrès de l’A.F.T. à KARMA LING du 4-6 Septembre 1987 : « DU PSYCHOLOGIQUE AU SPIRITUEL » Techniques et Niveaux d’Expériences.
(2)- Czaplicka: Aboriginal Siberia – A Study in Social Anthropology; Oxford 1914.
– Sir Hugh Clifford: Studies in Brown Humanity- 1898.
– S.M. Shirokogoroff: The psychomental Complex of the Tungus- Londres 1935.
(3)- De Martino Ernesto: Le Monde Magique -parapsychologie ethnologie, histoire- Traduction en Français . Collection Marabout Université, 1971 p.86 .
(3b)- C’est nous qui soulignons.
(4)- Au sens de l’ensemble des idées, des croyances et des doctrines propres à une époque et à une société.
(5)- La Crucifixion en Rose – SEXUS (Trad.) Ed. Buchet/Chastel 1987 p. 465 .
(5b)- Souligné dans le texte.
(6)- Pyrosis: Sensation de brûlure le long de l’oesophage avec souvent régurgitation acide. Il s’agit de suc gastrique remontant de l’estomac dans l’oesophage, et parfois jusque dans les fosses nasales.
(7)- Proctalgie Nocturne Fugace: Douleurs extrêmement violentes au niveau du périnée, survenant la nuit et ne persistant pas.
(8)- cf. La Montée du Carmel de Saint Jean de la Croix.
(9)- Geneviève Lanfranchi: Vivre en Vacuité, in Le Vide- Expérience Spirituelle en Occident et en Orient. Ed. Hermès p.281-282.
(10)- C’est nous qui soulignons.
(11)- Geneviève Lanfranchi: Opus cité p. 289.

Carl Gustav Jung, éminent psychiatre, étudia de prêt les maladies mentales et les voies spirituelles, il énonce ceci :« La névrose est la souffrance d’une âme qui a perdu son sens. » On sait qu’aujourd’hui qu’il existe peu, voir pas du tout de maladies mentales dans les sociétés traditionnelles qui auraient conservé une culture prenant en considération l’humain dans son unité bio-psycho-spirituelle. Hors, dans les pays occidentaux cette unité est bafouée depuis des millénaires, depuis la somatophobie (peur du corps) du christianisme, puis par la dénégation du spirituel dans l’humain par la science matérialiste.

La dépression par exemple, toucherait chaque année dans le monde plus de cent millions de personnes, la plus grande partie localisée dans les pays riches occidentaux et fortement industrialisés. On ne comprend pas la maladie car on la dissocie de l’histoire du patient, on la place comme un élément extérieur venu d’un seul coup perturber la mécanique du corps. On ne se rend pas compte des dégâts que l’on cause avec une telle attitude, la médecine allopathique cause plus de ravage qu’elle ne semble en soigner, elle demeure renfermée de son dogme mécaniste du corps humain.   On traite la dépression à grand renfort de médication, pensant de la sorte agir sur la machinerie cérébrale comme on met de l’huile dans un moteur grippé.

Dans les voies spirituelles et dans la psychologie transpersonnelle, on considère la dépression comme une maladie transitionnelle, le signe d’un besoin d’évolution spirituelle de l’être, la transition d’une étape de vie. La maladie est un « mal-à-dire », une expression de son être pour signifier la perte de l’homéostasie (équilibre bio-psycho-spirituelle). Dans une société ultra rapide, ultra compétitive, l’humain apparaît déraciné de la nature, le rythme de vie ne correspond plus à ses rythmes biologiques naturels. Mais qui plus est, l’humain est contraint à une perte de sens, il est coincé entre deux extrêmes, d’un côté le dogme religieux sclérosant, de l’autre une société ultra matérialiste où il n’est qu’un consommateur de plus. Et devant ce tiraillement permanent, il voit son questionnement existentiel anéanti par une pensée unique qui dicterait sa loi du marché.

La perte de repères, la peur de la vieillesse et de la mort pousse au déracinement des liens transgénérationnels, les personnes âgées sont rassemblées dans des établissements spécialisés alors qu’avant ils avaient un rôle social important dans la transmission, jamais le nombre de suicide chez les personnes âgées n’a été si important qu’au 21 ème siècle. Cette peur de la vieillesse et de la mort est le signe d’une société qui s’est déconnectée de son plan spirituel et ne voit que l’existence d’un monde de matière ou pour vivre « heureux » il faut satisfaire les désirs d’un moi traumatisé et avide de réassurance, il faut consommer et partir dans des vies d’excès pour fuir un réel insoutenable, incompréhensible car le regard ne se tourne pas au bon endroit.

Tous les êtres humains ont une vie intérieure et des questionnements existentiels, de l’athée au religieux, tous possède un idéal de réalisation personnelle. Mais les gens semblent s’ennuyer dans leurs vie de matière, ils ne semblent jamais comblé, complet, ils court sans cesse d’un plaisir à l’autre, accumulant les possessions, les divertissements, les aventures, favorisant l’avoir (mode de vie du Moi) ou détriment de l’être (mode de vie du Soi). Ils souffrent de ne pas avoir les réponses à leurs angoisses existentielles et comme on les a conditionné à ce méfier de ce qui n’est pas matériel, ils se résignent et se soumettent au nouveau dogme. Mais c’est que l’on ne leur pas enseigner les valeurs essentielles qui font une humanité accomplie, on ne leur a pas appris qu’il existait des voies d’épanouissements qui leur propose de faire eux-mêmes leurs expériences et de répondre à leurs propres besoins existentielles. Qu’il existait un autre mode d’existance que l’avoir, que leurs souffrances psychiques ne sont pas une fatalité, mais la résultante du déni d’une partie essentielle de leur être. Qu’il est possible au 21 ème siècle de vivre une spiritualité en dehors des cadres religieux rigides, que l’on peut vivre une spiritualité en harmonie avec les découvertes et avancées de la science quand celle-ci ne devient pas elle aussi dogmatique.

Car au-delà des idéologies, croyances et superstitions, qui constituèrent les différentes voies spirituelles, il ressort un tronc commun qui les relie toutes. Un besoin intrinsèquement lié à la nature évolutive de l’humain, le besoin de connaissance de soi, d’approfondissement de l’être. Le besoin de comprendre la nature humaine et une volonté affirmée de trouver des remèdes à la souffrance. On ressent bien dans ces voies antiques l’approche transpersonnelle, où la logique et l’intuition cohabitent harmonieusement pour libérer tout le potentiel humain. Là encore, au-delà des concepts et des mots souvent mal compris ou dénaturés, la même intuition créatrice animait ces penseurs dans leurs recherches insatiables. Une perception intuitive de l’infinité, de l’expansion de la conscience humaine, au-delà des perceptions sensorielles. Une prescience de l’évolution perpétuelle de l’humain dans sa lente perfectibilité.

Le thérapeute transpersonnel de tout temps a privilégié l’expérience directe, l’intuition transpersonnelle étant pour lui universelle et laïque, sans rapport avec une tradition spécifique, c’est une faculté liée à l’espèce humaine dans sa totalité, une réalité transculturelle, transreligieuse, transpersonnelle.   Mais si en nos sociétés « modernes » dites matérialistes, l’humain n’est plus considéré comme une unité de corps et d’esprit, il convient de s’interroger sur la compréhension des anciens. En occident principalement, l’intuition créatrice fut douloureusement manipulée pour servir certaines ambitions politico-religieuses. La science des lumières permit de mettre un terme à l’hégémonie du dogme, mais n’a-t-on pas aussi « jeté le bébé avec l’eau du bain ? » En occultant une partie des propriétés de l’humain (l’intuition) en faveur d’une autre (la logique rationnelle), n’a-t-on pas causé un déséquilibre au sein même de la psyché ? Ne faut t-il pas comprendre ici qu’une partie des maladies mentales pourraient provenir justement de ce déni d’une part de soi-même ? Ce qui faisait dire à Albert Einstein que : « Le mental intuitif est un don sacré et le mental rationnel est un serviteur fidèle. Nous avons créé une société qui honore le serviteur et a oublié le don ». 

L’intuition créatrice semble avoir été mise au rang de subalterne, presque de dangereuse aptitude, taxée d’irrationnel, immesurable, immaîtrisable et donc douteuse. Dans une société qui prône l’efficacité de la machine à des êtres sensibles, doués d’émotions, de sentiments, d’un langage articulé et symbolique, de créativité artistique, ne nous sommes-nous pas inconsciemment enfoncé dans une attitude dénégatrice, un déni de l’intuition créatrice en faveur d’un mécanisme de rationalisation exc

(article publié dans la newsletter de l’association U N E F P E)par Michael

L’approche transpersonnelle est une voie récente pour une réalité très ancienne, nous allons voir que ce que nous définissons scientifiquement aujourd’hui par transpersonnel (au-delà de la notion d’ego) est une aptitude qui s’est développée depuis l’apparition de la conscience chez l’homo sapiens et s’est complexifiée jusqu’à nos jours. Nous verrons par la suite les liens qui unissent corps et esprit à la lumière des recherches cliniques sur le sujet mais aussi au regard des intuitions spirituelles des mystiques du monde entier sur cette unité somato-psychique. Nous conclurons par une analyse psychosociologique du psychisme humain dans nos sociétés modernes, des nouvelles pathologies naissantes liées à la non intégration de certains plans d’existences de l’humain. Nous tenterons ainsi de comprendre le renouveau du spirituel au 21 ème siècle.
Historicité du transpersonnel

Depuis l’apparition de la conscience chez l’homo sapiens, celle-ci n’a eu de cesse de se complexifier, d’acquérir des subtilités. Si aujourd’hui notre psyché nous permet l’élaboration d’une technologie de pointe, de calculs scientifiques complexes, ce n’est pas grâce à son raisonnement analytique que cette dernière a enclenché son processus d’évolution. L’anthropologie nous rapporte que c’est la production artistique qui permit l’avènement des premières structures claniques grâce à l’apparition d’un langage symbolique. L’émergence de la conscience et la structuration de la psyché ont vraisemblablement créé un véritable fossé entre l’humain et l’animal. La sortie de l’animalité semble s’être réellement déroulée avec la création d’un symbolisme psychique extériorisé par ce que l’on nomme l’art préhistorique. Mais il convient d’être prudent, car sortir de l’animalité ne signifie pas que l’humain en a véritablement terminé avec ses pulsions instinctives. Mais l’humain progresse au fil de son évolution, vers une compréhension de plus en plus subtile de sa psyché. La force de l’art aura permis une forme d’abréaction archaïque par les symboles, une extériorisation de l’émotivité non maîtrisée, une voie d’expansion de la conscience vers l’illimité, l’intuition créatrice offrait une voie de mieux-être aux premiers hommes.

Une des dernières théories établie par le préhistorien Jean Clottes et l’anthropologue David Lewis-Williams propose une origine chamanique des œuvres de l’art paléolithique. On voit donc que l’art comportait chez les premiers humains plusieurs fonctions et significations, mais celle qui nous intéresse ici concerne le signifiant de la symbolique de cet art qui permettait à l’humain de faire revivre son monde intérieur sur les murs, grâce à cette prodigieuse intuitivité créatrice qui offrait une porte vers l’imaginaire, vers la création d’un symbolisme chargé d’énergie psychique, chaque création était le reflet inconscient de son créateur. Il apparaît un personnage central des premières tribus primitives, c’est le chaman. Cet homme, nous pourrions aisément le comparer à un psychothérapeute de l’ère préhistorique, il était le sage chargé de guérir les malades, celui qui décodait les signes de la nature et des esprits et pouvait s’unir à elle pour trouver un remède à leur mal-être, les écouter, les réconforter et les guider face à leurs angoisses de vie. On pense que la fonction onirique est apparue avec la conscience et le développement de l’intuition symbolique. Nous sommes à même de penser que le Chaman offrait ses interprétations de rêves dans un but thérapeutique, articulé autour d’un mythe symbolisant le trouble.

Le Chaman était un guide spirituel pour la tribu, il fut un des premiers êtres à percevoir avec une acuité supérieur aux autres membres de la tribu l’intuition transpersonnelle. Mais qu’entend t-on par intuition transpersonnelle ?   Cette définition du docteur Jean-Paul Guyonnaud me paraît intéressante : « Le transpersonnel est un niveau d’être qui transcende l’ego où le moi individuel, dépasse la notion de personne dans des états d’expansion non ordinaires de conscience. » et celle-ci du psychologue Alain Rioux : « La psychologie transpersonnelle est une orientation de la psychologie et une voie de connaissance de l’être humain qui intègre à la fois les dimensions spirituelle, émotionnelle, corporelle, cognitive et créatrice […] La psychologie transpersonnelle propose d’appliquer les dernières découvertes de la physique quantique au développement d’une explication scientifique des différents états de conscience. Ainsi, elle tente de comprendre ce qu’est l’être humain en relation avec lui-même et l’univers qui l’entoure. » Les recherches réalisées par le docteur Stanislas Grof, psychiatre, démontrent le potentiel curatif, transformateur et évolutif des états non ordinaires de conscience dans lesquels la psyché semble manifester une activité thérapeutique spontanée. L’intuition artistique fait directement partie de cette expansion de la conscience que connaissent bien certains artistes. Cette intuition est à relier avec l’intuition spirituelle résidant dans la psyché humaine, aptitude survenue avec l’apparition de la conscience chez nos ancêtres. D’ailleurs on peut mieux comprendre la structuration de cette faculté psychique chez l’humain en voyant avec quel respect les premiers hommes réalisaient les rites funéraires, le respect des défunts et l’intuition d’un au-delà.   Dès l’antiquité, l’humain organisa de manière plus prononcée l’intuition transpersonnelle, aussi bien en occident qu’en orient. Les voies philosophiques et spirituelles orientales sont celles qui s’approchèrent le plus d’une compréhension plus précise de l’intuition transpersonnelle. Leurs voies thérapeutiques et initiatiques prenaient en compte l’humain dans sa globalité, dans son unité bio-psycho-spirituelle.

Ayant compris que la psyché humaine était un tout harmonieux ou faculté de raisonnement hypothético-déductif attribué à l’hémisphère gauche du cerveau et faculté de créativité intuitive attribuées à l’hémisphère droit du cerveau devaient agir en synergie et non en opposition comme elle semble encore l’être au 21 ème siècle en occident. Aussi bien le système évolutif des chakras, que les voies de circulation de l’énergie vitale (flux bio-élecromagnétique) des taoïstes et la méditation assise du bouddhisme permis la création d’un corpus psycho spirituelle holistique offrant une compréhension profonde de la place de l’homme dans l’univers et de son interaction avec celui-ci. En occident on retrouve cette unité bio-psycho-spirituelle uniquement dans les philosophies antiques et les voies ésotériques des religions, Pythagore et la musicothérapie orphique, créateur de la gamme il pensait que certaines mélodies pouvaient provoquer des états supérieurs de conscience, aujourd’hui les études cliniques attestent les effets bénéfiques de certaines mélodies sur les ondes cérébrales du cerveau. Socrate lui aussi devint avec sa maïeutique (l’art de faire accoucher les esprits) l’un des premiers psychanalystes, Jacques Lacan lui-même s’étend longuement intéressé à ce philosophe, considérait comme l’un des plus grands de tous les temps. Dans l’Islam, le soufisme à l’opposé des dogmes intégristes, prônait l’unité spirituelle de l’humanité dans son approche psycho-corporelle de la danse-spirituelle avec les derviches tourneurs. Dans la chrétienté et le Judaïsme les voies de l’hésychasme et de la Kabbrale psycho corporelle développèrent des similitudes avec l’approche bouddhique et yoguique dans leurs voies méditatives, loin là aussi des pendants cléricaux officiels.   Par la suite de nombreux philosophes et scientifiques contribuèrent progressivement à l’avènement du courant de la psychologie transpersonnelle vers la fin années 60. Mouvement fondait par des psychologues humanistes tel que Abraham Maslow, Carl Rogers et Stannislav Grof et d’autres, inspiraient des travaux de Carl Gustav Jung mais aussi et surtout de l’histoire de la spiritualité dans le monde. Ils tentèrent de comprendre le fond commun spirituel qui unit toutes les voies spirituelles du monde pour fonder une voie psycho-spirituelle laïque pour l’occident.

Nous avons vu dans ces premiers paragraphes qu’il existe clairement dans l’histoire de l’humanité une filiation de l’intuition transpersonnelle au coeur de la psyché humaine. Cette propriété est la même dans le monde entier, au-delà des formes d’appartenances et autres conditionnements culturels et religieux. La psychologie transpersonnelle aujourd’hui est une approche laïque des états d’expansion de conscience. Elle étudie certes les religions, mais dans un but anthropologique, en examinant le fond commun qui les relie à l’évolution de la psyché de l’espèce humaine vers une acuité psycho spirituelle. Elle tente de réconcilier science et spiritualité après tant de dissensions, elle essaye de comprendre la structure cérébrale de l’humain qui est logique et intuitive, en une unité. L’humanité a connu deux extrêmes, le tout irrationnel et aujourd’hui depuis les le siècles des lumières le tout rationnel. Par la structure même du cerveau humain nous ne sommes pas que toute analyse logique, ni toute intuition, nous sommes un équilibre entre les deux. Il est peut être temps d’en prendre conscience de stopper ce déséquilibre socioculturel qui cause quand à lui des déséquilibres psychiques à considérer de prêt.

Des études cliniques en psychoneuroimmunologie et en psychosomatique (sciences qui étudient les interactions entre les pensées, les émotions, le psychisme et le corps physique.) démontrent les interactions constantes entre psyché et soma (corps). On estime que plus de 60% des consultations chez les médecins généralistes le sont pour des maladies ayant des origines psychiques, appelées maladies psychosomatiques. Toutes une branche de la médecine est d’ailleurs spécialisée dans les maladies psychosomatiques, en France avec l’école de Paris et aux Etats-Unis avec l’école de Chicago. Les études faites dans ce domaine démontrent l’influence des troubles psychiques sur l’apparition de maladies organiques comme l’ulcères duodénal, la recto-colite hémorragiques, ainsi que diverses affections dermatologiques, problèmes coronarien jusqu’aux cancers.

Le mécanisme qui affecte le corps à la suite d’un trauma psychique non résolu et simple, le trauma qui apparaît est refoulé dans l’inconscient car le choc est inacceptable pour la psyché. Un barrage se cristallise entre le conscient et l’inconscient, l’abréaction (Apparition dans le champ de la conscience d’un affect jusque-là refoulé.) du trauma n’est pas émergente, mais la psyché à un besoin vitale d’extérioriser le trauma pour en faire ressortir l’énergie psychique emmagasinée, afin de prévenir l’organisme du dysfonctionnement. Comme il subsiste un barrage vers le conscient, la psyché va signaler le trauma dans le corps pour prévenir du degré de gravité de l’atteinte psychique. La psyché se fait entendre par un symbolisme signifiant (l’atteinte d’un organe précis) /signifié (le symbolisme de l’organe en rapport avec le trauma psychique) elle focalise sont appel vers un organe cible en rapport avec le type du trauma, en ce sens certaines affections organiques correspondent à un certains types de personnalité ou de traumas endurés.

Les approches psycho corporelles modernes utilise la relaxation psychosomatique, la sophrologie, le training autogène de Schultz pour reconnecter l’être à son unité somato-psychique et comprendre les liens qui unissent traumas psychique et maladie organique. Les voies spirituelles spécialement en orient ont de tous temps mis l’accent sur le lien corps/esprits et l’unité des différents plans d’existences de l’humain. La science matérialiste a considérablement affaiblie ce lien en pensant que le corps n’était qu’une machinerie possédant divers objets organiques ayant chacun un fonctionnement différencié (logique héritée de la pensée Newtonienne remit en question par la physique quantique moderne). Mais le psychisme et le corps constituent une unité indissociable, les maladies psychosomatiques nous le démontrent objectivement. Les spiritualités orientales intégrèrent dans leurs processus thérapeutiques cette unité somato-psychique ce qui leur permettaient de comprendre plus précisément les origines d’une maladie.

La médecine moderne se focalise trop intensément sur l’effet, en tentant de le supprimer soit par prise de médicament soit par la chirurgie. Il est utilisé tout un arsenal d’anti-dépresseurs, de psychotropes et autres pour annihiler des effets qui reviendront six mois plus tard, ainsi on augmentera la dose ce qui accentuera une dépendance du sujet. Sur le plan chirurgical on trouve le même processus annihilateur, Yves Ranty psychiatre psychosomaticien en parle avec précision de son livre « les somatisations ». Il recense le cas d’un patient qui va consulter un généraliste pour un ulcère duodénal, puis ce fait opérer par la suite de celui-ci. Le patient développe après l’opération un infarctus du myocarde, de spécialistes en spécialistes il se fait opérer plusieurs organes et termine au final par faire de fortes poussées d’eczéma. On voit ici que le trouble psychosomatique s’est déplacer d’un organe à l’autres et tant que la prise de conscience psychique de la cause originelle du trauma n’est pas intégrée, le patient continue à ce faire opérer en croyant qu’en oubliant de traiter la racine du problème on empêchera la survenue d’une atteinte organique. C’est un des problèmes majeurs que doit régler la médecine moderne s’il elle souhaite évoluer vers un taux de guérison plus important en limitant la charge des effets secondaires des traitements.

Le psychisme on l’a vu est le centre primordiale de l’être humain, renier ces interactions c’est aussi renier l’humain dans son intégralité. En occident, à l’exception de la psychosynthèse et de la psychologie jungienne, la psychologie n’a pas accepté la spiritualité en tant que dimension à part entière du psychisme.

La science moderne n’a pas cru bon de prendre en considération la masse de connaissances considérables accumulée depuis des millénaires par les philosophies spirituelles antiques, pêché d’orgueil ou peur de ce qu’elle n’arrive pas à comprendre ? On a méprisé et taxé de superstitions primitives ce que notre raison raisonnante ne pouvait intégrer car ayant refouler une partie de propriétés intuitives de l’être et ne possédant pas les outils adaptés à cette compréhension. Chose importante, les sciences matérialistes ont mélangé (volontairement ou pas) spiritualité et religion, mais il y a une différence fondamentale entre les deux. La religion s’occupe du culte, du dogme et de la morale, elle organise les cérémonies, enseigne ce que les livres « saints » exposent ce que doit croire le pratiquant.

La spiritualité authentique consiste en une expérimentation permanente de l’intuition transpersonnelle en l’humain, elle n’est pas une affaire de croyances, mais de ressentit, d’intuitions, elle n’impose pas, elle propose, le dogme n’existe pas, c’est une communion en soi dans une direction d’évolution de la conscience.   L’approche transpersonnelle considère le psychisme humain de l’homme moderne comme la résultante d’une lente évolution qui s’est déroulée tout d’abord dans la matière sur le plan moléculaire, puis physiologiquement, et qui progressivement s’est transposé dans l’esprit. En effet notre évolution depuis l’apparition de l’homo sapiens ne se déroule plus sur le plan physiologique, mais c’est notre psychisme qui semble avoir prit le relais des lois évolutives du vivant. Les spiritualités de tous temps on perçu cette loi évolutive de l’existence (les monothéismes l’ayant renié pour établir le dogme créationniste), les voies spirituelles étaient des supports d’évolution de la conscience humaine. L’objectif perçu intuitivement était de faire progressivement sortir l’humain de son animalité et lui permettre de développer de nouvelles aptitudes nécessaires à son élévation.

La psychologie transpersonnelle continue sur cette lancée, considérant l’humain comme bien plus qu’un amas de chair et d’os, mais plutôt comme un être sensible doué d’une intuition créatrice infinie. Les voies antiques proposaient différents outils pour mener à l’expansion de la conscience, la méditation, le yoga, les pratiques énergétiques. Toutes dans un but commun, une prise en considération de l’unité de l’humain, de ses questionnements existentiels primordiaux et de sa volonté de dépasser le stade primitif égotiste (résidu de l’animalité instinctive) vers un épanouissement de l’être intérieur. Les spiritualités authentiques s’orientaient dans le sens où l’humain devait dans son évolution psycho-spirituelle dépasser le stade de l’animalité, des instincts et pulsions, de l’égoïsme, de l’esprit de compétition, vers un développement d’une compréhension globale de son être et de son environnement. L’accession à une personnalité épanouie dans le but de développer et d’ancrer en elle les aptitudes empathiques, l’altruisme et l’esprit de coopération. Passer d’un état égocentré vers une perception holistique, un dépassement de l’ego vers ce que Jung appelait le soi, l’entité psychique symbolisant l’humain réalisé, éveillé et uni avec ses différents plans d’existence.

Le psychisme humain comporte plusieurs couches successives héritaient de son évolution, des études sur les états d’expansion de conscience démontrent qu’en accédant à certains états de relaxation, le cerveau basculerait dans un état ondulatoire supérieur. La pratique de la méditation, yoga et autres permettent de ralentir de manière significative les rythmes cérébraux, offrant de la sorte une diminution de la suragitation mentale, cause de nombre de pathologies psychiques.

C’est précisément dans la transformation du rythme cérébral de veille (onde bêta) en rythme cérébral du sommeil (ondes alpha et thêta) tout en maintenant l’état de veille que le pratiquant peut accéder à un élargissement de la conscience pure (conscience consciente d’elle-même). Cet état permet au pratiquant de comprendre les mécanismes mis en place par le mental et l’ego, de voir plus clairement le jeu de l’inconscient et d’affiner la connaissance de son être intérieur. Le moi ou l’ego est la structure de base qui constitue notre personnalité, elle est le support de notre construction psychique de l’enfance à l’âge adulte, il est important de construire un moi solide pendant cette période de croissance. Les thérapies ordinaires, analytiques focalisent leurs interventions dans la normalisation du moi, c’est-à-dire contenir et renormaliser un moi névrosé ou psychotique pour rendre la personne insérable en société. Ces objectifs sont très louable et demande beaucoup d’énergie, mais prenons-nous pas le problème à l’envers en tentant de contenir tous ceci ?

4 archétypes et 3 voies d’harmonisation en mode transpersonnel:

Considérons un homme qui est élevé dans une famille qui a le culte du mental. Si cet homme croit que le mental est sa principale source d’informations concernant le monde, il se trouve dans la même situation que le tigre/chèvre. Cet homme ne saura rien de son « autre » nature. Il ignorera tout de son imagination, de ses intuitions profondes, et de la valeur de ses sentiments. Il n’aura pas accès aux informations que donnent ces autres sources. Plus encore, il sera privé de la richesse et du plaisir que cette « autre » nature pourrait lui apporter. Cette histoire illustre bien la conception que l’on peut avoir de soi-même ou de l’autre .

Roberto Assagioli, grand psychiatre italien, en parle fort bien en psychosynthèse. Il nous amène à découvrir les multiples facettes de notre personnalité, ce qu’on appelle nos subpersonnalités. Ainsi l’essentiel de ce que nous sommes est peut-être dissimulé sous l’identité d’une chèvre. Peut-être avons-nous envie en quelque part de nous réveiller, de nous tenir pour ce que nous sommes et de répondre de nous-mêmes, non pas dans la dynamique d’une chèvre mais dans la dynamique du tigre bien identifié, sans agressivité négative mais dans une force d’agressivité créatrice.

Hermann Hesse, ce poète et romancier allemand, prix Nobel 1946, écrit ceci:
« Les autorités déploient des efforts infinis pour étouffer dans l’oeuf les rares intellects profonds ou de valeur. Et d’âge en âge, on observe toujours que ce sont ceux qui sont détestés et fréquemment punis par leurs maîtres, les fugueurs et les exclus qui, après coup, ajoutent au trésor de l’humanité. Mais certains, et qui sait combien, dépérissent avec une tranquille obstination et finissent par succomber. »
Les enfants qui nous sont confiés sont des cadeaux extraordinaires. Simplement par ce qu’ils sont, par l’unicité de leur être, ils peuvent nous apprendre et ils nous permettent de grandir. Ils sont l’occasion de nous élever. Et ces jeunes, lorsqu’ils sont vraiment en contact avec leur essence, deviennent des maîtres à penser. Ils sont pour nous des lumières intérieures et des enseignants d’une grande sagesse.

Carl Jung disait que la présence auprès de quelqu’un, c’est d’oublier tout ce qu’on a appris, la théorie et le mode d’emploi, et être totalement là avec son coeur et sa sagesse intérieure. C’est la présence du coeur et de l’intuition et non plus uniquement de la raison.

La tradition chamanique considère l’être humain à partir de quatre grands archétypes ou modèles universels de comportements.
Le premier archétype, c’est le héros, le guerrier pacifique. C’est le niveau du corps et de l’enracinement. Dans chaque personne , il existe un être unique, capable de répondre de ce qu’il est, de dire la vérité sans juger, sans blâmer, sans critiquer. Il est là avec le coeur ouvert et il prend les moyens de se réaliser pleinement. Reconnaître le héros qui existe en nous, permet d’honorer celui qui existe dans chacun de nos élèves. Le héros réfère à la dynamique de l’action chez l’humain, à sa capacité d’agir et de bâtir. Malheureusement, on a peut-être reçu trop souvent des jugements négatifs, des critiques et des blâmes de personnes qui ne nous ont pas reconnu tels que nous étions. Ceci a fait que la confiance en nous, qui est l’élément de base pour être bien enraciné dans le héros que nous sommes, en a pris pour son rhume et aurait besoin désormais d’être développée davantage. J’ai constaté auprès de centaines de clients qu’un nettoyage intérieur est possible à n’importe quel moment de notre vie si nous le désirons réellement. Le vouloir est à la base de tout processus de changement. A chaque fois que j’anime le stage Guerrier Intérieur et estime de soi , je suis fasciné de constater qu’après à peine trois jours de travail intense en internat, un changement significatif de perspective semble se produire dans la vision que les participants ont d’eux-mêmes. Tout cela est en partie attribuable à la cellule familiale que nous recréons, pleine d’amour inconditionnel, d’acceptation et de non jugement face à chacun dans ce qu’il est et pour ce qu’il a à dire. C’est le cadre idéal pour s’exercer à s’exposer et à dire la vérité sans juger, blâmer ou critiquer avant de retrouver son quotidien.

Le second archétype, c’est le guérisseur. C’est le niveau du cœur et de la compassion. À travers notre composante amour, nous véhiculons beaucoup de bien-être et de soulagement. Lorsque je rencontre les professionnels du milieu hospitalier pour parler de la relation du patient et de son médecin ou de son infirmière, je découvre que l’on insiste jamais assez sur l’importance du non verbal et du toucher, sur cette capacité de guérison et d’auto-guérison qui existe en chaque personne. Cette croyance demande évidemment un grand lâcher prise sur la référence unique qui se limite au mode d’emploi et aux connaissances acquises. C’est la pure présence dans l’ici et maintenant de l’expérience. Ainsi, nos enfants peuvent arriver à de grands apaisements intérieurs s’ils reçoivent une écoute du cœur. Par le témoignage de notre compassion, nous pouvons leur permettre d’atténuer leurs souffrances psychologiques et même physiques.
Le troisième archétype, c’est l’enseignant. C’est le niveau de l’intellect et du raisonnement. Nous avons tous la capacité de faire des apprentissages nouveaux, de les intégrer et de les transpirer par la suite. Il est extraordinaire de constater comment les enseignements intégrés et sentis ont beaucoup plus d’impact que ceux qui sont donnés par simple lecture. J’aimerais partager avec vous un exemple qui illustre bien ce qui précède.
Je m’étais inscrit à un atelier de fin de semaine en Californie. C’était un stage pour exprimer son agressivité et je m’en étais donné à coeur joie. Ça sortait et je vous assure que ça faisait du bien ! On dit que  » ce qui ne s’exprime pas, s’imprime !  » Faites-moi confiance, j’ai fait tout un nettoyage ce jour-là. J’ai manifesté beaucoup de colère à un point tel que la salle de travail s’est vidée rapidement et du professeur et de tous les étudiants. Tout le monde s’est retrouvé dehors dans la nature. Je suis resté seul à extérioriser mes frustrations trop longtemps retenues. Je venais de créer tout un espace en dedans et j’ai été étonné de voir que, la semaine suivante, tous les clients que j’ai reçu dans le cadre de mon internat et qui ignoraient l’exercice que j’avais fait le week-end précédent, se sont permis de verbaliser leur agressivité dans leur session de psychothérapie. C’est la même chose pour vous. Si vous transpirez ce qui se passe en vous, cela crée un impact très grand chez le jeune . Il réagit à ce que vous êtes, à ce que vous vivez, à vos limites et à vos ouvertures et non uniquement à ce que vous dites. Son attitude est directement reliée à votre propre façon d’être et non seulement à votre savoir. Il est illusoire de vouloir conduire l’étudiant efficacement là où nous ne sommes pas encore rendus.
Le quatrième archétype, c’est le visionnaire. C’est le niveau de l’intuition et du spirituel. Carl Jung a même fait de l’intuition un type psychologique. C’est cette capacité que nous avons tous de savoir, au-delà de la raison. C’est l’hémisphère droit du cerveau. L’intuition ne trompe pas, c’est le savoir direct. Cette petite voix intérieure qui est là, au-delà du rationnel, nous inspire et nous donne régulièrement des réponses. Vous le savez bien en tant qu’enseignants, à côtoyer des enfants à longueur de journée, vous êtes sans arrêt en contact avec votre intuition. Rappelez-vous ces jours où vous êtes arrivés devant vos élèves en vous disant:  » J’ai préparé un cours important mais je sens qu’il ne passera pas. Il faudrait que je fasse autre chose aujourd’hui ». Dans ce cas, il faut lâcher prise sur le programme, sur votre rôle habituel et être capable d’être présent aux besoins des jeunes qui sont là. Parce qu’il ne faut pas se le cacher, c’est principalement aux imprévus de la vie qu’il faut les préparer.

A ces quatre archétypes, nous pouvons associer quatre moyens universels d’harmonisation. Des études anthropologiques ont démontré qu’il existe dans la majorité des cultures quatre voies importantes pour atteindre un mieux être. J’aimerais partager avec vous ces découvertes parce que je crois qu’elles peuvent fort bien s’appliquer en éducation.

Première voie d’harmonisation: la danse. Dans toutes les cultures on bouge, on s’active physiquement pour se dégager, se nettoyer et se libérer des lourdeurs du quotidien. Lorsqu’on se retrouve avec nos jeunes, ils arrivent souvent (et nous aussi d’ailleurs) avec sur les épaules beaucoup plus qu’ils ont le goût d’en porter. Je pense qu’il est très important que nous leur permettions de s’extérioriser par l’expression corporelle et la musique afin de laisser sortir le trop-plein. La musicothérapie occupe un espace de plus en plus grand dans le travail que je fais avec mes clients. Il existe toute sorte de musiques pour faciliter la manifestation des principaux états d’âme. Dans toutes les cultures, on a des mouvements pour libérer l’énergie intérieure. Danser est profondément thérapeutique. Associé à la musique, c’est l’expression créatrice de soi-même au-delà des restrictions, des normes et des conventions. Après un temps de danse, il est très facile de capter l’attention désirée car l’espace nécessaire a été créé. Impossible d’imaginer une culture sans ses danses traditionnelles.

Deuxième voie d’harmonisation: le chant. C’est l’expression du langage du coeur. On communique ce qu’on a à dire mais pas de n’importe laquelle façon: avec une mélodie. Chanter est un moyen de partager ses états d’âme sans aucune évaluation ni désir de performance . Il en est de même pour la peinture et la sculpture qui favorisent l’émergence de l’énergie créatrice bienfaisante. Quels sont vos chants préférés ? Quelles sont les mélodies qui vous inspirent le plus, les musiques qui accompagnent les moments significatifs de votre vie ? Si vous décidiez de développer vos talents de musicien, quel instrument et quel musique choisiriez-vous ? La réponse à ces questions vous donne de bonnes indications sur les musiques qui peuvent vous procurer du bien-être. Pourquoi ne pas faire cette recherche auprès de vos jeunes afin de connaître leur propre médecine ?
Troisième voie d’harmonisation : les contes et légendes. Rappelez-vous, enfant, quel plaisir vous aviez lorsqu’on vous racontait une histoire. Vous ravissez sûrement vos jeunes quand vous répondez à cette demande : « Raconte-moi une histoire. » On a envie d’entendre des contes parce qu’ils renferment de grands enseignements. On y retrouve des modèles et des leçons de vie qui pourraient s’intégrer à notre quotidien. Depuis quelques années, je m’intéresse aux mythologies de différentes cultures et je savoure toute la richesse des apprentissages et des réflexions que j’y retrouve. Les jeunes ont besoin eux aussi d’alimenter leur monde symbolique et de retrouver les images de leur inconscient personnel et collectif dans ces récits métaphoriques que sont les contes et les légendes. Pourquoi ne pas leur proposer une aventure de croissance magnifique: la rédaction de leurs propres histoires et la tenue d’un journal personnel, écrit et dessiné.
Permettez-moi ce magnifique conte de la tradition soufi qui illustre très bien le sens à donner à nos épreuves de vie. Cette deuxième lecture, c’est le passage du sentiment d’échec à celui du « test initiatique » pour passer à un autre niveau dans notre vie. Ce sont ces apprentissages de vie qui nous procurent une plus grande sagesse en donnant un sens profond à l’instant présent.


Lâcher prise, avoir confiance et risquer

Conférence d’ouverture prononcée par Frédéric Hurteau M.Ps. psychologie et counselling transpersonnel
au septième Congrès Pédagogique du Primaire (AQEP) à Québec .

C’est un grand privilège pour moi de me retrouver avec vous ici ce soir. Je suis toujours très honoré et très touché lorsque des personnes m’accordent quelques minutes de leur vie pour venir entendre les réflexions que j’ai à partager avec elles.

Je voudrais tout d’abord remercier toute l’équipe de l’ AQEP pour sa confiance et son ouverture à la vision transpersonnelle en éducation. Je reconnais le courage que vous avez tous d’accepter de lâcher prise sur certaines de vos anciennes références afin de vous ouvrir à une perspective nouvelle dans votre vie et dans votre travail. Je n’ai pas la prétention de posséder la vérité et mon intention n’est surtout pas de juger ce qui se fait ou de vous dire quoi faire à l’avenir, même si je crois fortement à l’urgence d’un changement. Je souhaiterais simplement être l’occasion pour vous d’un temps d’arrêt qui permettrait à chacune des personnes ici présentes de repartir avec des pistes nouvelles au niveau personnel et professionnel.

Plusieurs expériences vécues me permettent de vous parler du lâcher prise ce soir. Je me sens très près de vous pour avoir été quinze ans dans l’enseignement. Je n’ai pas eu le bonheur de travailler au primaire ; toutefois j’ai enseigné au secondaire, au collégial et à l’université. J’ai été suffisamment longtemps dans l’éducation pour voir et sentir ce qui s’y passe et désirer un jour prendre un recul et une position nouvelle. C’est ainsi qu’il y a plus de dix ans, j’ai décidé de quitter la sécurité d’emploi que j’avais, et de plonger en entreprenant des études sur la côte Ouest des États-Unis, en Californie, pour y compléter une maîtrise universitaire en psychologie transpersonnelle.
L’approche transpersonnelle, la quatrième grande école en psychologie, suite aux écoles analytique, behaviorale et humaniste, propose une vision au delà de l’ego qui favorise la dimension spirituelle et intuitive. C’est la redécouverte de l’hémisphère droit du cerveau, l’utilisation de l’intuition pour développer sa créativité et la reconnaissance de l’existence de l’être humain aux quatre niveaux de conscience: physique, émotif, mental et spirituel. Le transpersonnel a pignon sur rue depuis les années ’70, ses précurseurs étant le grand psychiatre et psychologue suisse Carl. G. Jung et le psychologue américain de renom Abraham H. Maslow qui a tenté de rapprocher et de féconder l’une par l’autre psychanalyse et philosophie existentielle. L’approche transpersonnelle a ceci d’extraordinaire qu’elle nous propose de faire une deuxième lecture des événements de notre vécu et nous apporte un éclairage nouveau sur notre existence. Elle élève notre vision de la vie à un niveau supérieur, plus universel, au-delà des limites religieuses et culturelles.
L’éducation transpersonnelle célèbre à la fois l’individu et la société, la liberté et la responsabilité, l’unicité de la personne et son interdépendance, le mystère et la clarté, la tradition et l’innovation. Elle tient son dynamisme de ses aspects complémentaires et paradoxaux .
Suite à cette formation professionnelle, j’ai voulu alors essayer de servir d’une façon différente les personnes comme vous qui enseignez, les gens qui reçoivent votre enseignement, les parents et enfin tous ceux et celles qui oeuvrent dans l’éducation. J’ai vite compris que la pensée transpersonnelle suscite beaucoup d’interrogations car elle nous propose d’entrer dans un domaine impalpable. Ce que l’on ne peut concevoir de façon logique et raisonnée nous effraie parfois, si positifs puissent être les bienfaits d’une vision intuitive et d’une discipline spirituelle dans notre vie. Ce n’est pas facile de proposer un projet nouveau. Bernard Demori, un chercheur français très respecté dans le domaine de la créativité, affirme ceci :

« Introduire la créativité dans une structure quelconque, c’est y faire pénétrer un facteur de trouble qui engendre des réactions de défense plus ou moins violentes. La créativité n’a rien à faire des recettes car elle implique avant tout que pour avoir de nouvelles idées, il faut d’abord se changer soi-même. »

Ce changement, c’est l’équilibre dans l’utilisation de l’hémisphère droit et de l’hémisphère gauche du cerveau, l’intuition et la raison.
Depuis notre tendre enfance, n’avons-nous pas été récompensés et encouragés à « parler avec notre tête », à « réfléchir avant de parler », à « atteindre l’âge de raison », à « être logique » etc…? L’hémisphère gauche de notre cerveau a été surdéveloppé au détriment de l’hémisphère droit. Rarement nous a-t-on encouragé à créer, innover, sortir des sentiers battus, méditer ou aller trouver nos réponses à l’intérieur. Tout était appris de l’extérieur et jamais ne nous a-t-on dit:
« Tu en sais plus que tu ne seras jamais capable d’en apprendre! »
Ainsi, le savoir inné contenu dans ce que Jung a appelé l’inconscient collectif est malheureusement demeuré presque ignoré puisque c’est par la voie de l’intuition que l’on peut y accéder. Nous nous devons de considérer nos jeunes dans toutes leurs composantes: corps, coeur, pensée et âme. Ils deviendront alors pour nous et pour leurs camarades de précieuses ressources.

Les études sur l’être humain se sont souvent limitées aux niveaux physique, émotif et mental. On considère sa santé physique, ses émotions et sa forme de pensée. On oublie cependant trop souvent le niveau spirituel, en dehors de toute option religieuse ou de tout dogme. C’est pourtant vital de tenir compte de l’essence et de l’âme de la personne.
Pour avoir une vision transpersonnelle de la vie, au delà de l’ego et des restrictions du rationnel, le lâcher prise est une attitude de base essentielle.
On assiste actuellement à ce que Marilyn Ferguson appelle le changement de paradigme, ou modèle de comportement. L’orientation matérialiste s’amenuise et on assiste à l’émergence d’une tendance plus mystique. C’est la rencontre de l’Orient et de l’Occident. En première page de La Presse du 4 novembre 1994, il est écrit que le volume le plus lu au Québec dans les vingt dernières années a été : « Le Choc du Futur » d’Alvin Toffler . Il y fait un bilan fort intéressant du rapport entre la réalité scientifique et l’univers spirituel et intuitif:
« Nous avons besoin d’une multiplicité de visions, de rêves et de prophéties, images de lendemains potentiels. Un système éducatif qui pousse aux réponses correctes est malsain scientifiquement et psychologiquement. En exigeant le conformisme, que ce soit dans les croyances ou les comportements, il inhibe l’innovation et se condamne à être rejeté en cette époque d’autonomie croissante ».
Le volume qui obtient la deuxième position est : « Le Chemin le moins fréquenté » du psychiatre américain Scott Peck, qui se permet de regarder la réalité en tant que médecin de l’âme. Il nous parle de discipline intérieure nourrie par l’amour. Il a touché le coeur de millions d’américains en quête d’un sens à leur vie. De plus, une étude américaine a démontré que 25% des cadres et manoeuvres des grandes entreprises auront recours d’ici quelques années à des médecines alternatives. Les compagnies et organismes devront donc s’organiser en conséquence pour répondre à cette nouvelle demande dans le secteur de la santé.
Il existe actuellement un besoin de dépassement des limites du monde matériel et scientifique afin de donner un sens plus profond à notre existence. Pour arriver à effectuer ce dépassement, il faut lâcher prise, en particulier sur nos vieilles croyances, nos peurs et nos fausses sécurités.
Dès notre naissance, nous avons été invités à lâcher prise. Le premier détachement a été cette séparation de notre mère avec laquelle nous avions entretenu une relation symbiotique, un lien d’intimité intense depuis le début de la grossesse. Alors commençait pour nous l’apprentissage du détachement. Puis ce fut l’arrivée d’autres frères et soeurs, l’entrée à l’école, les déménagements, les séparations, les coupures exigées par la croissance, le passage de l’enfance à l’adolescence, le départ de la maison, les nouvelles situations de vie… Et ce scénario se continuera jusqu’à notre mort qui sera l’ultime lâcher prise. L’être humain ne peut évoluer que s’il reconnaît l’impermanence dont nous parle Sogyal Rinpoché, lama tibétain, dans « Le Livre Tibétain de la Vie et de la Mort ». Il affirme:
« En réalité, seul l’instant présent, le maintenant nous appartient ».
L’attitude du carpe diem ! nous invite à lâcher prise sur nos attachements au passé et nos attentes futures.
« La naissance d’un homme, disait un grand sage oriental, est la naissance de sa douleur. Il vit toujours pour ce qui est hors de portée. Sa soif de survie dans le futur le rend incapable de vivre le moment présent ».
Nous sommes dans un processus de changement continuel. Nous devons suivre le cours de la rivière au lieu d’y résister farouchement. L’attachement et les certitudes nous empêchent de participer à l’évolution naturelle des choses. Tout est cyclique. Tout a un début et une fin. Après le jour, c’est la nuit. L’érable laisse aller de ses feuilles à l’automne. Chaque expiration est un lâcher prise; chaque inspiration est l’ouverture à une réalité nouvelle. Le mouvement de notre vie est un lâcher prise continuel.

Souvent nos élèves sont aux prises avec des images d’eux-mêmes négatives et défaitistes, ce qui constitue une vision trop limitée de leur potentiel créateur. Ils sont plus que ce qu’ils croient être. Nous sommes capables de plus que ce que nous croyons pouvoir faire. C’est une question de perception de soi reliée à notre éducation de base qui constitue une bonne partie des données de notre inconscient personnel. J’aimerais vous raconter une petite histoire qui nous démontre comment il est important de lâcher prise sur une réalité qui est quotidienne: l’image ou le concept que nous avons de nous-mêmes. J’aime beaucoup utiliser les histoires car elles sont des métaphores qui nous permettent une compréhension plus intime des enseignements de vie.

Voici donc l’histoire du Tigre et de la Chèvre:

« Il était une fois une tigresse qui allait mettre bas. Un jour où elle chassait, elle découvrit un troupeau de chèvres. Malgré son état, elle réussit à en tuer une. Toutefois, le stress d’avoir chassé précipita le travail et elle mourut en donnant naissance à un petit mâle. Les chèvres, qui s’étaient enfuies revinrent lorsqu’elles sentirent que le danger était passé. S’approchant de la tigresse morte, elles trouvèrent son bébé et l’adoptèrent, l’intégrant à leur troupeau.
Le petit tigre grandit parmi les chèvres, persuadé d’en être une lui aussi. Il bêlait de son mieux, avait l’odeur d’une chèvre et ne mangeait que des végétaux; tout son comportement était celui d’une chèvre. Pourtant, tout au fond de lui, comme nous le savons, battait le coeur d’un tigre. Tout se passa bien jusqu’au jour où un tigre plus âgé vint à s’en prendre au troupeau et tua l’une des chèvres. Les autres s’enfuirent dès qu’elles virent ce tigre, mais notre tigre/chèvre ne vit aucune raison d’en faire autant, bien sûr, car il ne percevait aucun danger.
Bien que vétéran de nombreuses chasses, le vieux tigre n’avait jamais été aussi choqué de toute sa vie que face à cet animal. Il ne savait que faire de ce tigre adulte qui avait une odeur de chèvre, bêlait comme une chèvre et agissait en tout comme une chèvre. Étant un vieux grognon, pas particulièrement altruiste, il prit le jeune tigre par la peau du cou, le tira jusqu’à une crique proche et lui montra son reflet dans l’eau. Mais le jeune tigre n’eut pas de réaction devant son reflet; il n’avait aucune signification pour lui et il ne remarqua pas la similitude avec le vieux tigre.
Frustré par son incompréhension, le vieux tigre le ramena à la place où il avait tué sa proie. Puis il arracha un morceau de viande de la chèvre morte et le fourra dans la gueule de notre jeune ami.
Nous pouvons imaginer le choc et la consternation du jeune tigre. D’abord il s’étouffa et essaya de cracher la viande crue, mais le vieux tigre était déterminé à montrer au jeune qui il était vraiment et il voulait s’assurer que ce petit mange sa nouvelle nourriture. Quand il fut certain qu’il avait avalé, il lui mit un autre morceau de viande dans la gueule et cette fois, un changement se produisit.
Notre jeune tigre se permit de goûter la chair crue et le sang chaud et il mangea avec plaisir. Lorsqu’il eut fini de mâcher, il s’étira puis, pour la première fois de sa jeune vie, émit un puissant rugissement, le rugissement du chat de la jungle. Puis les deux tigres disparurent ensemble dans la forêt ».

Heinrich Zimmer raconte cette histoire dans l’introduction de son livre, « La philosophie de l’Inde » (The Philosophy of India), et appelle le rugissement du jeune tigre le « rugissement de l’éveil ». Quel est ce « rugissement de l’éveil »? Il s’agit de la prise de conscience intérieure que nous sommes plus que ce que nous pensons être. C’est la découverte que nous avons revêtu des identités qui expriment mal ou de façon inadéquate notre être essentiel. C’est comme si nous avions rêvé et soudain nous nous réveillons de ce rêve et devenons conscients d’une réalité totalement différente.
Reprenons cette histoire du tigre/chèvre. Avant sa rencontre avec le vieux tigre, il croit être une chèvre et son expérience du monde est celle de cet animal. La réalité du jeune tigre est celle d’une chèvre mais, nous observons que sa perception de la réalité en tant que chèvre ne lui permet de faire l’expérience que d’une fraction de son être total. Nous savons qu’il est capable de bien d’autres perceptions, émotions et activités. Pour paraphraser l’histoire, nous pourrions dire qu’il ne manifesta que sa « subpersonnalité » de chèvre avant de rencontrer le vieux tigre qui l’éveilla à son être essentiel: le tigre qu’il était réellement. Symboliquement, nous sommes souvent élevés comme des chèvres; nous grandissons dans des cultures et des familles où nous apprenons à penser, sentir et voir selon des manières spécifiques, prédéterminées. Parce que ces perceptions acquises sont tout ce que nous connaissons, nous supposons naturellement que le monde autour de nous existe réellement tel que nous le percevons et que la subpersonnalité que nous connaissons est la seule qui existe. Voilà notre vision limitée de la réalité.